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Comptes de Noël

par Paul Rassinier

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Aux Folies-Bourbon, la saison a ramené la discussion du budget. L'an dernier, je m'étais imposé une analyse méthodique et chiffrée de celui de 1951. On dit bien que la répétition est l'art d'enseigner, mais il y a des limites: pour celui de 1952, le lecteur voudra bien se reporter à notre numéro de décembre 1950. Ce sera d'ailleurs pour lui un jeu très amusant: dans l'article qui s'y trouve sous ma signature, il verra que seuls les chiffres sont à retoucher, c'est-à-dire à mettre à jour.

Il était alors question d'un budget de 2.600 milliards, d'une ardoise de 135 milliards en reliquat l'année 1950 et d'un déficit prévu de quelques 547 milliards. Aujourd'hui, on parle d'un budget de 3.600 milliards, d'une ardoise de 200 et quelques milliards au titre de l'année 1951, et d'un déficit prévisible de l'ordre de 700 milliards.

Impôts nouveaux: 170 milliards. M. René Pleven vient, dit-il, de créer 35 milliards de pouvoir d'achat nouveau sous forme d'augmentation des salaires et traitements. Alors, il le reprend. Avec un peu d'usure!

Pour le reste, rien n'a changé: l'optimisme de nos ministres et la sérénité de nos députés résistent à toute épreuve, ce qui se conçoit très bien puisqu'ils n'ont pas faim, eux.

On m'excusera donc si je reste à mon tour sur mes positions.

"Tout finit par se résoudre, en dernière analyse, disais-je, devant la planche à billets de l'Hôtel des monnaies: au cours de l'année 1950, le montant des billets en circulation a augmenté d'environ 300 milliards, c'est-à-dire, approximativement du déficit initialement prévu et artificiellement comblé. Faut-il en déduire qu'il augmentera de 547 milliards en 1951?"

Au début de janvier 1951, il y avait 1314 milliards de billets en circulation. Au moment où paraîtra cet article, le lecteur consultera le communiqué de la Banque de France par curiosité et pour voir de combien je me suis trompé.

Après quoi, la seule question qu'il se pourra poser pour 1952 est la suivante: faut-il déduire du déficit qu'on cherche à combler que, d'ici la fin de l'exercice, le montant des billets en circulation augmentera de 700 milliards environ?

Ceci dit, passons aux choses sérieuses.


La première alerte

Jusqu'à ces tout derniers temps, on nous présentait les mouvements revendicatifs aux Etats-Unis comme des manifestations anodines. On nous disait, par exemple, que le guerrier américain, rentré chez lui, y avait trouvé une extraordinaire prospérité, qu'il revendiquait sa part du bénéfice et que c'était bien naturel. Nous soupçonnions, nous, qu'il y avait autre chose et nous ne nous en cachions pas: la préparation de la guerre qui faisait monter le coût de la vie. Dans le "Figaro", M. Raymond Aron, qui passe pour être l'historiographe le moins conformiste de notre temps, nous rétorquait que les Etats-Unis étaient capables de supporter sans à-coups leur effort militaire pendant un minimum de dix ans. Naturellement, c'était lui qu'on croyait...

Soudain, et peut-être le doit-on à M. Beuve-Méry -- si ce mérite lui revient, il n'y a pas de raison de ne pas lui rendre hommage, après tout! -- dit Sirius, du Monde, le ton de la presse a changé.

"Pour réarmer l'Europe, nous dit-on maintenant, les Etats-Unis augmentent sensiblement leurs impôts". (Les journaux, 2 novembre 1951.) On va même jusqu'à nous donner des précisions: 12% d'augmentation moyenne de toutes les taxes. Comme en France, ces 12% sont payés à la fin du circuit des produits de consommation, par le consommateur lui-même et uniquement par lui. Que ceci ne soit pas du goût du docker, de l'employé du téléphone, de celui des chemins de fer ou de l'ouvrier de Detroit n'a rien d'étonnant. On veut bien ne plus nous cacher que la politique du canon restreint les quantités de beurre, non pas sur les marchés, mais sur la table du consommateur et que le salarié, pour manger du beurre quand même, réclame de plus en plus nerveusement "un relèvement de son pouvoir d'achat qui dépasse les plafonds fixés par la loi."

L'Amérique, à son tour, doit choisir entre le beurre et les canons.

Plus tôt qu'elle ne le pensait ou qu'elle ne le faisait dire par M. Raymond Aron.

Parmi ceux qui commencent à déchanter figurent des gens qui vont jusqu'à dire que ce choix n'est pas né seulement des circonstances actuelles: en 1947 déjà, le problème était posé et seuls le plan Marshall et les événements de Corée ont pu empêcher que les termes de l'alternative fussent évidents pour tout le monde.

Nous sommes bien de cet avis: la politique de préparation à la guerre, si elle est la condition de la prospérité pour les classes dirigeantes, est absolument incompatible avec la prospérité des classes dirigées. Pour que ceux qui vendent des canons ou des bombes atomiques aient du beurre plus qu'en suffisance, il faut que ceux à qui on les fait fabriquer en manquent [note 1: L'exemple de l'Amérique est gratuit: dans son dernier conseil national, le Parti socialiste a décidé qu'il fallait réarmer la France sans toucher au pouvoir d'achat...]. Sans quoi, dites-moi, qui paierait?

Il y a longtemps que les pays d'Europe subissent cette loi dans toute sa rigueur. Jusqu'ici, l'Amérique, pays jeune, avait pu y échapper grâce au "volant économique" qu'elle avait eu la sagesse de se constituer avant son entrée sur la scène mondiale. En 1942 déjà, le volant semblait épuisé: 20 millions de chômeurs, disait-on. A ce moment, elle est entrée en guerre et on n'a jamais su exactement le point où elle en était.

Aujourd'hui, les temps semblent à nouveau révolus: l'Amérique, à son tour, fait ses premiers pas dans la ronde infernale des salaires et des prix.

Qui l'en sortira?

Pas Truman assurément. Surtout s'il est exact, comme le prétendaient les journaux du 1er décembre, qu'il ait dit ou à peu près aux sénateurs: "Donnez-moi les pouvoirs de contrôle étendus que vous m'avez toujours refusés jusqu'ici et faites comprendre à vos électeurs la nécessité de se restreindre sur le beurre."

Car ceci nous annonce un effort militaire encore plus grand.


Répercussions

"En faisant monter les prix des matières premières, le réarmement américain a contribué à aggraver notre déficit en devises." (Les journaux, 16 novembre.)

Est-ce l'approche de Noël qui nous vaut cet accès de franchise? Décidément, je trouve que les journaux nous gâtent.

Nous n'étions pas habitués à nous entendre dire ces choses qui sont "nos" vérités de la Palice, en termes aussi peu diplomatiques. Il n'y a pas si longtemps, il fallait encore se battre pour faire admettre par la presse bien pensante qu'en raflant tout sur tous les marchés pour faire face aux besoins de la guerre de Corée, les Américains avaient fait monter les prix en flèche. Félicitons-nous donc d'abord que ce soit maintenant chose communément admise.

Mais ceci me fait rêver. J'ai, en effet, lu dans un de ces journaux, qu'outre-Atlantique, une discussion homérique mettait aux prises M. Foster Dulles, le sénateur Johnsson et le brigadier général Olmstedt. Le sénateur prétend que, malgré cette rafle sans précédent, l'économie de guerre américaine est en retard sur les objectifs prévus: de 34% pour la fabrication des avions, 70% pour les engins radio-guidés, 40% pour les tanks, 30% pour les appareils électroniques, et tout à l'avenant.

Si on accorde au président Truman les pouvoirs étendus qu'il réclame, on n'en a pas fini avec la rafle des matières premières!

Et les prix n'ont pas fini de monter!

Et notre déficit en dollars d'augmenter!

Bon, disent les Etats-Unis, on va vous envoyer les dollars qui vous manquent. Et ils en consentent 600 millions à M. René Mayer...

En Angleterre, le même phénomène se produit: sans sourciller, ils octroient 1000 millions de dollars au ministre des finances de M. Churchill.

Les Espagnols sont déjà servis. Mais, instruits par l'exemple, les Italiens, les Yougoslaves et les Allemands de l'ouest ne vont sans doute pas manquer de taper aussi l'Oncle Sam.

On vient justement d'augmenter l'assiette des impôts de 7.328 millions de dollars en Amérique et d'y faire ainsi passer l'indice du coût de la vie à près de 400 par rapport à 1939. Bien sûr, on n'en est pas encore à 2.400 comme en France. Mais, à ce rythme, on ne saurait tarder d'y arriver.

Et, si les dockers, les employés des téléphones ou des chemins de fer, les ouvriers de Detroit, etc. trouvent un peu forcée l'addition qu'on leur présente, M. Truman demandera de nouveaux pouvoirs plus étendus.

Car M. Truman ne désespère de rien.


Autres répercussions

Bien entendu, les millions de dollars que les américains ont envoyés aux Espagnols, aux Anglais et aux Français, comme ceux qu'ils enverront probablement aux Allemands, aux Italiens, etc., ont une affectation toute trouvée: le budget de la guerre. Ils coûtent cher en sueur et en austérité aux ouvriers américains, mais s'ils dédommagent quelqu'un de la hausse des matières premières, ça n'est pas les ouvriers des pays qui les reçoivent ou les recevront.

En France, on vient de nous informer que le programme des restrictions envisagées se trouvait provisoirement reporté à une date ultérieure. Mais en Angleterre...

En Angleterre, le nouveau gouvernement est en train d'étudier dans quels domaines il fera porter le gros de ses réductions d'importations: tissus, viande, matières grasses, légumes, vins, spiritueux ou parfums?

Voilà qui va bien arranger la balance commerciale de la France, car, tout cela, c'est en France que les Anglais se le procuraient. Notre déficit en dollars à peine comblé risque fort de reprendre de plus belle.

Croyez-moi: avant longtemps on nous reparlera du programme de restrictions.

Déjà on nous dit que nous allons être obligés d'importer du blé. Il va de soi que, ce blé, c'est avec la monnaie que nous attendions des Anglais que nous nous proposions de le payer aux américains.


A propos de blé

Au cours de l'année 1951, nous avons exporté 14 millions de quintaux de blé. Un peu partout: en Egypte, en Suisse, en Finlande, en Italie, en Espagne. Jacques Duboin prétend que nous en avons même exporté en Argentine, un des greniers du monde, ce qui serait un véritable tour de force. Pour l'instant, nous en exportons encore en Allemagne occidentale.

Or, au début du mois de novembre, on nous a informé que nous allions être obligés d'en importer des quantités appréciables: 9 millions de tonnes, paraît-il.

Pratiquement, voici comment l'opération se traduit: M. Pflimlin, ministre du commerce, vend du blé partout où il peut en placer à un prix inférieur d'environ 30% au prix intérieur; et M. Mayer, ministre des finances et des affaires économiques, en achète aux Etats-Unis à un prix de 30% environ supérieur. Le premier pour faire rentrer des dollars, le second pour faire la soudure. Et c'est probablement le même blé qui fait la navette!

On ne fera croire à personne que ces petites opérations ne profitent pas à quelqu'un. Mais chut: je ne voudrais pas retourner en correctionnelle!


Enfin, une bonne nouvelle!

Les laiteries de France sont encombrées: pour empêcher le prix du lait de baisser, et pour en faciliter les hausses périodiques, on l'a, procédé classique, raréfié sur le marché. Pour le raréfier, on a fait, depuis trois ou quatre ans, des quantités considérables de boîtes de lait condensé liquide ou en poudre. L'Etat a subventionné ces opérations autant qu'il l'a pu. Les industries, ou plutôt, les industriels du lait condensé ont prospéré. Les voici menacées d'une crise terrible: si le lait condensé liquide arrive à s'écouler, le lait en poudre ne trouve pas facilement preneur.

Que faire de tout ce lait en poudre?

Un malin vient de trouver la solution: on va l'incorporer au pain.

"M. Bréart, directeur du S.P.E.L., nous disaient les journaux du 25 novembre, défend un projet qui, en incorporant 2% de poudre de lait dans la farine, ne relèverait le prix du pain que de 1 franc par kilo. Les avantages de cette solution sont de trois ordres: amélioration de la qualité nutritive du pain ordinaire, qui est pauvre en protéines et en sels minéraux; goût agréable, la présence de lactose permettant d'obtenir la présence d'une croûte légèrement caramélisée; écoulement de la production laitière."

La voilà bien, la brioche proposée au peuple de Paris par Marie-Antoinette. On va enfin pouvoir s'en régaler...

Félicitons-nous, cependant: par les temps qui courent, il aurait pu se trouver un ministre pour décréter l'incorporation du trop-plein de poudre de lait dans l'essence.

Et, pour ce qui est du tout petit franc d'augmentation du prix du pain par ce procédé, à toutes fins utiles, prenons date.

 


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