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LE VENT DE LA PANIQUE 

Paul Rassinier

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Défense de l'homme, n° 63, janvier 1954:

LE VENT DE LA PANIQUE

– p. 30 et 31.– L'ACTIVITE DIPLOMATIQUE: TOURNANT?,

– p. 44 à 45 lettre de J. Thibaud,

– p. 46 à 47, réponse de P. Rassinier.

 

LETTRE D'UN PAYSAN

 J'ai lu dans le n° 61 de Défense de l'Homme, l'article de Paul Rassinier sur les problèmes paysans. Certains passages de cet article m'ont quelque peu étonné. J'en ai conclu que l'auteur n'avait que de lointains rapports avec le monde dont il parle.

 Je n'ai rien d'un dialecticien et je m'excuse d'apporter une contradiction à un écrivain qui se situe manifestement à un échelon intellectuel bien supérieur à mon humble niveau. Voici 41 années que j'exerce - sans interruption - ce métier de cultivateur qui soulève contre lui tout un hourvari à certaines époques. C'est la seule raison que je puisse invoquer pour soumettre aux lecteurs de cette revue quelques remarques, d'un point de vue que je crois autorisé, sur les failles de l'argumentation employée par Rassinier pour expliquer les « fluctuations » de la condition paysanne.

 Paul Rassinier, en faisant une analyse sommaire du malaise paysan, émet cette singulière idée que les raisons du mécontentement paysan « n'ont rien de social, rien qui dépasse le niveau de l'intérêt individuel, par conséquent rien de noble: les paysans veulent vendre plus cher tous leurs produits… »

 En adoptant cette argumentation, on pourrait fort aisément en dire autant du mécontentement des ouvriers et des fonctionnaires. Lorsque ces derniers obtiennent une augmentation de salaire, il serait facile de s'en prendre à leur vénalité et le cultivateur pourrait prétendre qu'ils contribuent ainsi à la cherté des produits manufacturés ou à l'augmentation des charges fiscales déjà écrasantes. Ce raisonnement serait absurde et si l'ambition de faire vivre sa famille n'a rien de noble, je me demande un peu où il faudrait aller chercher des quartiers de noblesse!

 Rassinier parle du Pactole qui a coulé vers les paysans - nous retrouvons là la fameuse légende des lessiveuses -; pour répondre à cette assertion, il est utile de situer la répartition de la paysannerie:

 Il y a, en France, environ 900.000 exploitations de 1 à 5 hectares; 540.000 exploitations de 5 à 10 hectares; 600.000 exploitations de 10 à 20 hectares; 380.000 exploitations de 20 à 50 hectares; 19.000 exploitations de 100 à 200 hectares et 6.600 exploitations dépassant 200 hectares.

 Si l'on considère que le revenu moyen d'un cultivateur exploitant 10 hectares dans des régions de productivité moyenne n'atteint pas le gain d'un quelconque salarié et qu'il faut une exploitation supérieure à vingt hectares pour arriver à vivre sans trop tirer le diable par la queue, on peut facilement fixer le volume des flots du Pactole qui ont déferlé sur plus de deux millions d'exploitants qui n'avaient pas grand-chose à vendre.

 Lorsqu'il s'agit du paysans, beaucoup en sont restés aux âpres portraits des romans de Balzac.

 Depuis Balzac, une certaine évolution s'est tout de même manifestée dans les campagnes. Certes, on y rencontre encore des gens obtus, égoïstes et avares - mais toutes les vertus ne nichent pas non plus dans les murs des cités. On trouve aussi, de plus en plus, des paysans qui nourrissent un certain idéal et qui s'inquiètent sérieusement de l'avenir d'une société qui n'offre plus de sécurité à personne dans le monde du travail.

 Le problème paysan est beaucoup plus complexe que d'aucuns l'imaginent. Il est à peu près insoluble parce que embrouillé à plaisir par les politiciens et les gros manitous de cette C.G.A. qui feint de parler au nom de la paysannerie tout entière, alors qu'elle ne groupe strictement que les gros exploitants.

 Dans la région du centre, un tract circule actuellement, sous l'égide d'un groupement indépendant. Ce tract préconise la lutte contre l'impôt menée jusqu'à ses plus extrèmes conséquences. Il s'élève contre l'administration extravagante de la Sécurité sociale et des Allocations familiales, contre les taxes massives que perçoit l'État sur la viande et sur beaucoup de produits agricoles ou industriels, contre le projet d'office de la viande qui permettrait à l'État de caser encore quelques milliers de parasites dans des bureaux inutiles. Il s'élève aussi contre la guerre d'Indochine qui se poursuit pour le bénéfice des trafiquants.

 La presse fait l'ignorante et s'est bien gardée de signaler cette initiative qui va à l'encontre des projets de la C.G.A. et des politiciens de tout acabit.

 Les petits exploitants ne sont guère partisans de cet office de la viande que s'obstinent à réclamer les gros manitous de la C.G.A. Ce n'est pas en vendant la viande à l'État que nous allègerons les charges exorbitantes qui pèsent sur le producteur. Aussi bien le problème de la viande n'existe pas dans certaines régions qui tirent leurs principales ressources de la culture et non de l'élevage. Les producteurs de pommes de terre, par exemple, qui voient cette année les cours s'effondrer au-dessous du prix de revient seraient parfaitement fondés à demander la création d'un office qui achèterait leur production au-dessus des 8 fr. le kilo actuels. De même, les producteurs de fruits qui vendent, cette année, 20 fr. le kilo les pommes qui arrivent à 80 ou 100 fr. sur les marchés de la ville. La recherche de l'équilibre des prix amènerait la création d'une effarante quantité d'offices d'achat.

 Il est tout de même stupéfiant, et Paul Rassinier semble l'ignorer, que l'État, pour respecter des accords commerciaux destinés à favoriser l'exportation de nos produits industriels, puisse acheter à des cours supérieurs à l'étranger, des produits agricoles qui sont déjà en excès chez nous. C'est ainsi qu'il a été introduit pendant les sept premiers mois de 1953 pour quatre milliards de fruits et trois milliards de légumes.

 En ce qui concerne la viande (chevaux de boucherie, bovins, porcins, viande de boeuf, porc, mouton), nos importations se sont élevées à 2 milliards 788.380.000 francs contre 557 millions d'exportations.

 La volaille elle-même n'est pas à l'abri de cet extravagant trafic; 3.000 quintaux de volailles vivantes sont venus augmenter nos réserves déjà excédentaires.

 Pour les produits laitiers, nous avons importé, toujours dans les sept premiers mois, 964.640 quintaux de lait condensé et 172.312 quintaux de beurre. Rassinier est dans l'erreur quand il attribue la cause de la crise à l'acte des paysans mécontents du prix du lait et jetant sur le marché les vaches qui produisaient le lait. L'industrie laitière est pratiquement inexistante dans les régions qui produisent de la viande. Les veaux vendus plus tard comme « châtrons » ou « taurilles » se chargent facilement de l'écoulement de la marchandise. Dans les régions productrices de lait, les paysans, habitués à l'alternance des crises et des périodes de stabilité, se sont bien gardés de se défaire de leur bétail producteur.

 Pour moi, les causes du marasme actuel résident principalement dans l'abaissement du pouvoir d'achat du consommateur, abaissement parallèle à un accroissement formidable de la part que l'État prélève sur les ressources du pays. Sans le régime de sous-consommation qui est actuellement en vigueur, il n'y aurait pas de crise ni dans les campagnes ni ailleurs. Et ce n'est pas en s'orientant vers un collectivisme étatique de plus en plus absurde, de plus en plus étouffant, que l'on en finira avec les crises et leurs prolongements souvent imprévus que sont les guerres à l'échelle mondiale!

 Quoi qu'il en soit, nos campagnes se convertissent de plus en plus en désert. Nos garçons fuient vers la ville où ils trouvent une vie plus agréable, nos filles épousent des fonctionnaires, des rats de cave, des gendarmes, tandis que les vieux crèvent avec le dégoût d'une civilisation qui s'accommode parfaitement de la misère des hommes.

Joseph THIBAUD

 

RÉPONSE A CETTE LETTRE

La lettre que l'on vient de lire ne me semble en contradiction avec ce que j'ai écrit que sur un point: les paysans ont-ils traversé une période heureuse sous l'occupation? Son auteur pense que non, moi, je suis d'un avis contraire. Mon article précisait d'ailleurs que cette aisance momentanée s'était évanouie aussi vite qu'elle était venue, dès qu'il n'a plus été possible de vendre 600 fr. le kilo le beurre taxé aux environ de 300, la viande 200 (taxée à 90), le vin 80 fr. le litre (taxé à 35), les pommes de terre 25 fr. (taxées à 12), les rutabagas, la farine, les choux, etc., etc. ou d'échanger ces marchandises contre le chocolat, le sucre, le tabac et même, dans certaines régions, le vin des ouvriers des villes. J'ajoutais encore que les sommes ainsi amassées avaient été utilisées à l'équipement ou à l'achat de terre et que, maintenant, les paysans se retrouvaient Gros-Jean comme devant. C'est sans doute parce que j'ai parlé du fleuve Pactole que mon correspondant s'est insurgé, mais là, il aurait seulement dû me répondre que le fleuve Pactole avait aussi coulé pour d'autres catégories, les commerçants, par exemple, et les marchands de mort subite.

 Le reste ne me paraît que détail.

 Les raisons du mécontentement paysan n'ont rien de noble et il en est de même des ouvriers et des fonctionnaires qui veulent seulement de meilleures rétributions et ne mettent pas davantage les structures du régime en cause? Bien sûr, mais l'erreur des uns ne justifie pas celle des autres, et c'était justement l'objet de mon précédent article (n° 60 de Défense de l'homme) auquel je renvoie l'auteur de la lettre: si les paysans veulent seulement vendre plus cher et les ouvriers des villes ou les fonctionnaires toucher de meilleures rétributions, le seul résultat des actions qu'ils entreprennent dans ce sens est la course entre les salaires et les prix.

 Dans la région du Centre, il y a un tract d'origine paysanne qui circule et qui préconise le refus de payer les impôts, qui proteste contre l'administration de la S.S. et des A.F., contre les taxes d'État, l'office de la viande, les parasites et la guerre d'Indochine? D'accord. Mais, ce tract dit-il ce qu'il faudra faire quand on aura supprimé tout cela? Et envisage-t-il la modification des structures de la propriété paysanne, laquelle est, comme le prouvent les chiffres de mon correspondant, la seule question en débat? On aura beau faire tout ce que préconise le tract, tant qu'il y aura en France 900.000 exploitations de 1 à 5 ha. et 540.000 de 5 à 10 ha. (soit 47 %, voir les chiffres que je donne dans le N.B. de mon article dans ce numéro), les paysans qui vivront sur ces exploitations seront condamnés à vendre leurs produits au-dessous du prix de revient, sauf en période de guerre et de marché noir. Ceux qui possèderont 20 à 50 ha. seront un peu mieux lotis. Et les 100.000 gros propriétaires fonciers qui se tourneront les pouces sur des exploitations de 80 à 200 ha. arrondiront sans cesse leur magot. Exemple: dans le Mâconnais, l'ensemble des petits vignerons qui produisent annuellement chacun de 5 à 10.000 litres de vin végètent misérablement au prix de 28 fr. le litre (à la production); mais, à Montpellier, un gars qui possède 1.000 ha. de vigne et qui vit dans une villa entouré d'une nombreuse domesticité, prétend qu'il s'enrichirait si l'État l'autorisait à vendre son vin 15,20 le litre! (Le Monde, 17 avril 1952.)

 Mais allez parler des réformes dans la structure de la propriété aux paysans, et même seulement de rassemblement des terres ou de coopération! C'est pourtant là seulement qu'est la solution et c'était tout le sujet de mon article.

 Mon correspondant ne m'a pas bien lu s'il pense que j'ignore que nous importons des produits que nous avons en excès chez nous et, d'une manière générale, les scandaleux trafics auquels donne prétexte la pratique des importations et des exportations: sur ce point, s'il veut bien me relire, il verra que nous sommes en parfait accord.

 Je ne dis rien du paragraphe prétendant que ce n'est pas la viande qui produit le lait: dans le Charolais, les vaches produisent du lait et, vendant mal leur lait, les paysans ont envoyé les génisses aux embouches et vendu les veaux en plus grande quantité que l'année précédente. Dans le Jura, la presse me dit qu'on a fait de même. Ces régions, que je sache, sont aussi productrices de lait: c'est justement entre les deux que France-Lait, la fameuse entreprise « régulatrice du marché du lait » à laquelle j'ai si souvent fait allusion, a établi son siège.

 Enfin, si « nos garçons fuient vers la ville et si nos filles épousent des fonctionnaires, des rats de cave ou des gendarmes », le manque notoire de goût des filles dans les deux derniers cas étant mis à part, je n'y vois aucun inconvénient: il y a trop de monde dans les campagnes. Exactement huit fois trop puisque, en Amérique, à superficie égale, on obtient exactement le même volume de production agricole, avec huit fois moins de monde.

 Maintenant, et tout à fait entre nous, que mon correspondant se rassure à la fois sur mes origines et mes compétences: je suis un de ces fils de paysan qui a quitté la campagne pour devenir fonctionnaire. Mon père cultivait 15 ha. sur lesquels il n'a vécu dans l'aisance qu'au lendemain de 1914-18 et mon frère, qui a pris sa succession, que de 1940 à 1947. Mais, nous étions trois frères et notre mérite a été de comprendre qu'avec 5 ha. chacun, nous étions condamnés tous trois à une vie très misérable, que, par conséquent, il fallait que deux s'en aillent pour que le troisième soit moins malheureux. En l'absence de toute autre initiative collective et plus rationnelle de modification dans la structure de la propriété, ce fut notre façon à nous d'éviter au moins le morcellement extrême.

Paul RASSINIER

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L'ACTUALITE ÉCONOMIQUE

LE VENT DE LA PANIQUE

 

 Depuis la mi décembre, les économistes du monde occidental sont sur les dents: il paraît que l'Amérique est à la veille d'une crise économique sans précédent.

 L'année 1953 n'a, en effet, pas été brillante pour l'économie américaine: pour la première fois depuis la fin de la guerre, elle a enregistré de sérieux symptômes de récession.

 Parmi ces symptômes, le rapport de l'O.C.D.E. publié, précisément, dans la première quinzaine de décembre, en retient surtout quatre sur la signification desquels aucun doute n'est permis:

 1. - Les dépenses pour se procurer des livres de consommation qui avaient baissé au cours de l'année 1951, ont continué en 1952 et en 1953 jusqu'à atteindre le niveau le plus bas depuis 1948. Conséquence: la demande ne suit plus l'augmentation de la production. Conséquence au second degré: le chômage - 1.674.000 chômeurs en mars 1953, 2.302.000 en novembre.

 2. - La chute verticale des prix agricoles: pensez au beurre qu'ils offrirent de nous livrer à 80 fr. le kg. et au blé à 20 fr. rendu dans nos ports.

 3. - Le ralentissement obligatoire des investissements, privés ou d'État, conséquence de la mévente et cause d'un ralentissement qui s'accentue de mois en mois dans le domaine de la construction.

 4. - La diminution des dépenses militaires conséquence de l'Armistice en Corée, - décision qui va peser lourdement sur une économie orientée à 76 % du côté de la production de guerre.

 Les économistes, même les plus orthodoxes, ont fixé le point critique de la situation qui découle de ces considérations vers mai 1954. A cette date, disent-ils, l'activité économique des États-Unis sera retombée à son niveau de 1949 (veille de la guerre de Corée), c'est-à-dire le plus bas qu'elle ait connu depuis la fin de la guerre. Et ce qui leur paraît grave, c'est qu'ils ne voient pas quel élément stabilisateur pourrait intervenir d'ici là. Reprendre la guerre de Corée qui avait si bien décongestionné l'économie américaine - et mondiale par voie de conséquence! - en mai 1950? Au fait, pourquoi pas? Syngman Rhee est toujours là, qu'ils conservent précieusement comme une poire pour la soif, et on peut lui faire confiance!

 On y pense, vous en pouvez être assurés, quoiqu'on ne le dise pas - quoique, même, on dise tout autre chose.

 De toutes façons, le brain-trust d'Eisenhower s'est déjà penché sur ce problème et, si on en croit les revues de la presse étrangère, il aurait déjà envisagé deux solutions, sans trop de conviction:

 1. - Demander au Congrès de voter une réduction d'impôts de l'ordre de 20 milliards de dollars par an, applicable à dater du 1er juillet 1954 et qui - notez bien ceci qui n'a rien d'humoristique! - ne s'accompagnerait d'aucune réduction dans les dépenses budgétaires.

 2. - Lui demander aussi d'accorder des crédits plus importants encore aux pays étrangers qui accepteraient de les utiliser immédiatement et intégralement pour acheter des produits américains.

 Autrement dit, la quadrature du cercle!

 La France et, d'une manière générale, tous les pays de l'Europe occidentale où dominent les vents venant de l'Ouest, sont au plus haut point intéressés par la menace de crise qui pèse sur l'économie américaine: rappelez-vous le krach de Wall Street en 1929!

 Sans remonter si loin, il n'est d'ailleurs que de se pencher sur ce qui s'est passé en France au cours de l'année 1953. Pour les Français qui raisonnent communément en fonction de ce qui se passe à la Bourse de Paris, le phénomène le plus marquant a été la baisse continue du prix de l'or. De nombreuses explications ont été données à ce phénomène et, en particulier, la mise par les Russes de leur or sur le marché: il est possible que l'or russe n'ait pas arrangé les choses, mais que sont quelques tonnes en comparaison des quantités considérables qui ne sont plus aspirées par les États-Unis en raison du ralentissement de leurs exportations en 1953? J'ai souvent dit que, sur le marché mondial de l'or, le seul client sérieux était l'Amérique: mais, en 1953, ce client a pratiquement disparu, d'où la baisse enregistrée faute de demande.

 Pour nous, qui ne raisonnons pas communément en fonction de ce qui se passe en Bourse, d'autres indices sont beaucoup plus significatifs. Par exemple, l'indice de la production industrielle qui atteignit 153 (par rapport à 1938), qui descendit à 145 en 1952 et 139 en 1953. Par exemple encore l'amoncellement du charbon sur le carreau des mines qui se chiffrait à 2.796.000 tonnes (niveau jamais atteint) le 27 avril 1953. Par exemple enfin la moyenne hebdomadaire des heures de travail en baisse continue...

 Et pour couronner le tout, le même phénomène qu'aux États-Unis, en ce qui concerne les produits agricoles: augmentation générale de la production de 10 % (sauf pour les fruits) et baisse de la demande (consécutive à la baisse du pouvoir d'achat fixé à 119.5  seulement quand la production est à 139, MM. les amateurs de productivité!) de l'ordre de 7 %.

 Telles sont, d'après M. Dumontier, qui les définit ainsi en date du 12 décembre dernier devant le Conseil économique, les premières répercussions en France de la crise économique américaine.

 Mais M. Dumontier est en retard sur les Américains, lui: il n'a pas de remède. Tout au plus dit-il qu'une « expansion économique est nécessaire », sans plus amples explications.-P.R.

 

 ***

 

L'ACTIVITE DIPLOMATIQUE

TOURNANT?

Dans le n° 53 de cette revue (février - mars 1953, p. 10), j'écrivais:

« Le général Eisenhower a donné tout son sens à sa récente élection à la présidence des États-Unis en ressuscitant Tchang Kei Check, ce qui est une manière comme une autre de proclamer la primauté des problèmes asiatiques dans la politique ultérieure des États-Unis.

« Abandon de l'Europe?

« Ce n'est pas encore absolument sûr, mais il est certain que la lutte sur deux fronts préoccupe le général Eisenhower et l'inquiète beaucoup plus qu'elle n'avait préoccupé et inquiété son prédécesseur.

« Toujours est-il que, quelques semaines avant ce haut fait, un autre événement s'était produit auquel ce vieux renard de Churchill semble bien avoir été le premier à accorder toute son importance: la déclaration de Staline sur la coexistence pacifique Est-Ouest. Il n'y avait pas à s'y tromper, c'était une invitation à des conversations à deux: dans les vingt-quatre heures qui ont suivi, Churchill a pris l'avion pour New-York. Supposez, en effet, que, dans un tel tête-à-tête, la Russie reconnaisse la légitimité des intérêts américains en Asie contre la reconnaissance des siens en Europe occidentale, voire en Afrique et dans le Moyen Orient… »

 J'ajoutais:

 « … la situation n'est pas mûre pour une opération d'une telle envergure si tant est qu'elle puisse être envisagée comme possible.

« En dépit qu'ils en aient, les Américains sont, économiquement et militairement, obligés, pour un long temps encore, à soutenir leur effort sur les deux fronts prévus par Staline. Mais on peut tenir pour assuré que s'ils étaient obligés de décrocher sur l'un d'eux, ce serait de préférence sur le front occidental. »

 Il y a maintenant un an de cela. Depuis 1946 (échec de la conférence de Moscou), c'était visible que tous les efforts de la diplomatie soviétique tendaient à obtenir des conversations à deux, en vue d'un partage du monde. Si la diplomatie anglaise semble s'en être rendu compte, la diplomatie française (celle que Peyrefitte a si magnifiquement épinglée dans La fin des Ambassades) ne semble pas s'en être souciée. Mieux: dans toute la presse, nous avons été, ici, les seuls à essayer d'attirer l'attention de l'opinion sur cet aspect du problème.

 Aujourd'hui les faits sont là.

 Les événements ont marché beaucoup plus vite que je ne le pensais en février 1953. Les difficultés économiques dans lesquelles se débattent les Américains (voir dans ce même n° l'article intitulé « Le vent de la panique ») sont sur le point de les acculer au choix entre l'un des deux fronts. L'évolution même du conflit Sino-Coréen est, à ce sujet, elle-même très significative: il est probable que l'armistice y a été conseillé par Moscou, dans le but de créer une atmosphère de détente favorable à l'entreprise des pourparlers à deux juste au moment où, aux prises avec toutes leurs difficultés, les Américains ne demandent pas mieux que de limiter les frais. Ce qui renforce cette hypothèse, c'est qu'en Indochine où les intérêts Américains ne sont pas en jeu, Moscou continue à soutenir les efforts d'Ho Chi Minh.

 Quoi qu'il en soit, depuis le début de janvier, dans toute la presse diplomatique, il n'est bruit que des « conversations secrètes qui auront lieu en marge de la conférence de Berlin, entre MM. Molotov et Foster Dulles. »

 C'est un commencement.

 On ne sait pas comment évolueront ces conversations, mais une chose est certaine: la diplomatie soviétique a enregistré un nouveau succès puisqu'elle a obtenu ce qu'elle voulait, et on peut tenir comme probable que dans ce dialogue, le fait qu'elle soit appuyée maintenant, par la bombe « H » que la Russie possède, sera un argument déterminant.

 Faut-il en conclure que les conversations à deux remplaceront les conférences à 3, à 4, ou à 5, et que, dans le monde de 1954, l'Europe occidentale se trouvera dans la même situation où se trouvaient la Tchécoslovaquie et la Pologne dans l'Europe de 1939?

 La question en tout cas, se pose, car toutes les conditions pour qu'il en soit ainsi sont bien près d'être réunies au grand complet.

 Le lecteur ne nous en voudra pas, si, une fois encore, nous sommes les premiers à la poser dans ces termes.

 Et, puisque nous sommes à la saison des voeux, plût au ciel que, cette fois, nous ne fûssions pas les seuls!


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