Si les hommes, bénéficiant d'apports multiples, ne s'ingéniaient pas à tout gâter par sordide intérêt, ambition démesurée ou par ignorance et bêtise...
Hélas!
Le raisonnement qui procède par hypothèses est généralement sans grande valeur: à un ambassadeur dont le conditionnel était la forme préférée d'expression, je ne sais plus quel chef de clan de la Grèce antique, réputé pour la concision de son langage, répondait déjà, il y a quelques milliers d'années, par un "si..."simple et sec, qui semble bien n'être venu en echo jusqu'à nous que pour faire fortune dans la langue insolente et gouailleuse des Titis.
Celui-ci pêche en outre par une sorte de généralisation abusive: tous les hommes ne s'ingénient pas à tout gâter par intérêt, ambition, ignorance ou bêtise.
Si on faisait le départ sur le plan du nombre entre ceux qui détiennent d'un droit dont le caractère divin est de plus en plus évident quoique de moins en moins contesté, le pouvoir de gâter officiellement au nom de tous, et les autres, on s'apercevrait bien vite que les premiers ne constituent qu'une infime minorité et qu'au surplus leur rôle social, très discutable sur le plan de l'utilité, ne l'est pas moins sur divers autres. Sous cet angle, depuis la célèbre Parabole de Saint-Simon, il n'y a plus rien à dire qui soit original sur le sujet.
Dans deux mille ans, on s'étonnera sans doute de l'extraordinaire puissance de cette minorité, autant que de son impensable comportement. Du moins, il faut l'espérer.
Sans doute aussi, on l'expliquera aux petits enfants des écoles. Très rapidement, ceci ne fait pas de question, et probablement en une seule phrase. Par exemple, on leur dira qu'il en était ainsi parce que notre société était divisée en classes. Et les petits enfants des écoles comprendront aussi facilement que ceux d'aujourd'hui quand on leur dit qu'il y a deux mille ans notre pays s'appelait la Gaule, que les Gaulois répartis en une multitude de tribus misérables dans un pays à défricher, étaient brutaux et querelleurs et qu'il en était ainsi parce qu'ils étaient incultes...
S'il est écrit qu'il n'existe aucune possibilité de réduire cette puissance et qu'elle doive longtemps encore s'exercer sur nous, il est cependant du devoir des témoins que nous sommes de recenser les documents qui diront à quel point elle fut maléfique.
Or, des documents, ils en est d'ahurissants.
Le 24 novembre dernier, Radio-Luxembourg émettait l'information suivante:
"Les U.S.A. viennent de détruire 27 millions de quintaux de pommes de terre que le gouvernement avait achetés aux agriculteurs dans l'espoir de maintenir les cours."
Candidement, le speaker ajoutait: "Cet espoir a été déçu."
Dans son journal, La grande relève, Jacques Duboin, à qui cette information n'a pas échappé, a calculé que si les U.S.A. avaient été aussi généreux qu'on le dit, ils auraient pu nous les envoyer: chaque français eût pu recevoir gratuitement une soixantaine de kilogrammes de pommes de terre.
Jacques Duboin fait ainsi la preuve qu'il est, lui aussi, un candide: notre gouvernement eût refusé le don. Pour empêcher le prix des pommes de terre de baisser chez nous...
Voilà où nous en sommes.
Mais il y avait une autre solution.
Les économistes distingués ont accoutumé de nous présenter les U.S.A. comme une nation qui vit, du dernier des salariés au plus éminent des proconsuls, dans une opulence aussi démocratique que difficilement concevable, même et jusque par les esprits les plus cultivés de notre vieux monde. Personnellement, je veux bien. Je note seulement que des écrivains comme Caldwell, Faulkner ou Hemingway, nous en font, dans leurs oeuvres, un tableau sensiblement différent. J'ai même ouï dire qu'il y avait des chômeurs aux E.U. et aussi un peu de misère... SI mes références sont exactes, un peu avant les événements de Corée, on parlait de quelque 4 millions de sans-travail et certains journaux de là-bas n'envisageaient pas sans inquiétude l'accroissement de la population dans ces villes sans nom, entièrement édifiées avec de vieux bidons à essence, de vieilles planches, etc., servant de palaces à des dizaines de milliers de miséreux, dont parlait déjà Nels Anderson (Men on the Move) [note 1: Hommes en mouvement. The University of Chicago Press, Chicago] en 1940.
A ceux-là, on aurait pu distribuer gratuitement les 27 millions de quintaux de pommes de terre en question...
Mais voilà: on aurait aussi fait baisser les prix!
Et on les aurait encore fait baisser, même si on les avait distribués aux quatre millions de chômeurs en guise d'allocations pour réaliser des économies sur le budget d'Etat.
De quelque côté qu'on se retourne, on aurait fait baisser les prix et c'est tout le drame d'une situation qui restera sans issue tant qu'on n'envisagera pas d'améliorer le sort de ceux qui constituent l'élément essentiel des sociétés et qui les font vivre en supprimant partiellement ou totalement le profit.
Alors, on a détruit les pommes de terre.
Il ya avait une troisième solution: on aurait pu acheter des cochons et les leur donner... Cette solution s'est écartée d'elle-même parce qu'elle n'aurait fait que transposer le drame de la baisse des prix sur le marché de la viande.
Il y en aurait aussi une quatrième: on aurait pu ne pas faire pousser ces pommes de terre... Mais alors, à moins d'envoyer ceux qui les ont plantées grossir les villes en bidons à essence et en vieilles planches, à quoi les aurait-on occupés?
Il n'est pas jusqu'à ceux qui les ont détruites à qui il aurait fallu payer pendant quelques jours des allocations de chômage...
J'espère que le lecteur sera sensible au fait que je n'ai envisagé ni la transformation des pommes de terre en fécule, ni leur distillation en vue d'obtenir de l'alcool, auquel cas c atlantique se serait effondré dans une rencontre France-U.S.A. sur le marché de l'alcool.
Estimons-nous heureux que les Américains aient pris la sage décision de détruire leurs patates... et de nous acheter notre alcool!
Voici une autre information qui émane du journal Le Canada du 28 juillet dernier:
"Le Ministère de l'Agriculture des Etats-Unis communique que les entrepôts sont pleins à craquer. Le surplus de grain est de 450 millions de boisseaux, ce qui représente 150 millions de boisseaux de plus que le surplus habituel."
Voilà encore 150 millions de boisseaux de grain (au bas mot), qu'il faudra détruire si on ne veut pas les distribuer gratuitement ou les utiliser à autre chose qu'à l'alimentation: pour que les prix ne baissent point.
Mais ce n'est pas tout. Après avoir indiqué que le gouvernement des U.S.A. s'était trouvé dans l'obligation (toujours pour empêcher les prix de baisser) d'acheter pour 400 millions de dollars de produits laitiers (toujours pour les détruire), le même journal ajoute:
"En ce qui concerne le sucre, Cuba aura, en 1950, un surplus estimé à 1 milliard 400 millions de tonnes."
Bien sûr, il faut se frotter les yeux pour s'assurer qu'on est bien éveillé quand on se rencontre soudain avec de tels chiffres: 1 milliard 400 millions de tonnes, cela fait environ deux tiers de tonnes, soit près de 2 kilos par jour pour chaque habitant du globe. Oui, vous avez bien lu: du globe.
Et rien que pour le surplus!
Inutile de préciser qu'en quelqu'endroit du monde que ce soit, personne n'aura jamais, ni les moyens, ni l'envie d'acheter 2 kilos de sucre par jour. Encore cela serait-il que le sucre produit ailleurs qu'à Cuba resterait sans amateur.
Alors, qu'est-ce qu'on fera de tout ce sucre?
Puisqu'on ne peut pas le distribuer gratuitement, comme il est absolument impossible de stocker des quantités aussi astronomiques, il faudra bien le détruire...
Hélas!
On pourrait me rétorquer qu'il s'agit là de cas extrêmes. J'en veux bien convenir, mais ils n'en sont pas moins typiques et ils concernent des richesses créées par le travail dans le domaine de la nourriture essentielle des hommes. Au surplus, on peut allonger la liste.
S'agit-il des oeufs? Une statistique qui nous vient encore des Etats-Unis, établit qu'en 1950, toutes les poules du monde ont, ensemble, produit environ 120 millions d'oeufs: répartis sur toute la population du globe, cela ne fait jamais qu'à peine une demi-douzaine par mois et par personne. Mais, si l'on tient compte que les E.U. entrent pour la moitié dans la production totale, on arrive au chiffre de 2 oeufs par jour et par Américain: j'imagine assez facilement que les habitants des villes en bidon à essence et en vieilles planches n'ont pas leur compte... Et, pour ne point le leur donner, on fait, à tout hasard, de la poudre d'oeufs qu'on stocke: quand les entrepôts seront pleins, comme pour les pommes de terre, le blé et le sucre...
S'agit-il des textiles? Du cuir? Des casseroles? De tout? C'est la même chose.
A tel point que les événements de Corée ont, depuis juillet dernier, provoqué dans l'orientation de la production, un renversement de la situation qui est considérée à peu près ouvertement comme une bénédiction du ciel par les journaux "bien-pensants"d'outre-Atlantique.
En veut-on la preuve? Le 18 août dernier, une dépêche de la Candian Press s'en réjouissait en ces termes:
"La réouverture des usines de guerre pourra aider la ménagère dans sa lutte contre le haut coût de la vie. En juin dernier, plus de 302.000 femmes mariées travaillaient au Canada. Les salaires sont élevés dans le travail de guerre et c'est un moyen idéal pour équilibrer le budget familial."
Aux E.U. on doit penser de même.
Et il semble bien qu'on y ait poussé ce "moyen idéal"jusque dans les derniers retranchements de la perfection en y ajoutant la mobilisation des énergies masculines inemployées et l'exutoire destructrice par excellence de la politique coréenne.
La guerre est en effet le meilleur moyen reconnu d'absorber tous les trop-pleins.
Et sans faire baisser les prix!
J'ai sous les yeux deux statistiques [ note 1: Ecole émancipée et La Pensée libre rationaliste.] qui chiffrent chacune à sa façon, le coût des deux dernières guerres. Toutes deux s'accordent à dire que celle de 1939-45 à coûté dans tous les domaines trois fois plus que celle de 1914-18. Mais, abstraction faite des vies humaines dont la valeur sociale est très facilement et très rapidement récupérée par les progrès du machinisme et l'accroissement de la production, l'une évalue les richesses détruites à l'échelle mondiale à 375 milliards de dollars-or et l'autre à 50.000 milliards de francs-suisses actuels, pour la guerre de 1939-45. Je pourrais les contrôler l'une par l'autre en vérifiant si les deux chiffres correspondent. Je n'en éprouve pas le besoin: à ce niveau, il n'y a plus moyen de se rendre compte, les chiffres ne signifient plus rien.
Il paraît, disent mes statistiques- et en cela, elles sont d'accord - qu'avec cette somme, on aurait pu construire pour chaque famille américaine, russe, canadienne, australienne, anglaise, irlandaise, belge, hollandaise, allemande et française, une maison qu'on aurait pu meubler confortablement et en outre, remettre à chaque locataire un portefeuille contenant 100.000 francs français, en lui donnant les clefs. Il paraît aussi qu'on aurait pu construire, en sus, un groupe scolaire et un hôpital dernier cri, dans toutes les villes du monde qui ont plus de 200.000 habitants.
Ajoutez un tiers à tout cela (guerre 1914-18) et vous aurez une idée des sommes qui ont été dépensées en 50 ans pour faire mourir plus de 50 millions d'hommes.
Je répète que je donne ces chiffres absolument invérifiables et leur matérialisation qui l'est tout autant, avec la réserve qui convient. Je ne les crois cependant pas exagérés: d'une part, à peu près tous les journaux du monde les ont publiés assortis des mêmes considérations et, de l'autre, en faisant le total des dépenses de guerre de ces cinquantes dernières années - ce qui est à la portée de tout le monde - chaque français se rendrait compte que, rien que dans le domaine de la préparation à la guerre, à elle seule, la part de la France est déjà impressionnante...
Il est possible, il est même certain, que dans chaque nation, les classes dirigeantes aient consolidé leurs positions, matériellement et sur le plan de l'exercice du pouvoir: les classes dirigeantes retirent autant de profit et souvent plus, en occupant les classes laborieuses à la destruction des richesses qu'en les faisant travailler à leur création. Pour elles, la guerre est une occasion de surprofit. Mais pour les collectivités qui leur servent ce surprofit, elle est une perte sèche et consiste à jeter dans la fournaise d'inestimables quantités des fruits de leur travail, sans la moindre possibilité de récupération. En dépit que la preuve en vienne d'être faite à deux reprises, il faut reconnaître qu'on réussit assez bien à les persuader du contraire en leur expliquant que la guerre garantit la paix, ou apporte la liberté, ou sauve le droit, la civilisation, la démocratie, la patrie, etc.
En vertu de quoi, on peut toujours et impunément recommencer: sous toutes les latitudes, la candeur et la crédulité populaires sont à toute épreuve.
Sous cet angle, les événements qui se déroulent actuellement en Corée peuvent être considérés comme le commencement d'une troisième expérience qui sera en pire la répétition des deux autres.
Il est toutefois absolument inutile d'exciper des résultats des deux autres et d'essayer de faire comprendre à ceux dont on détruit les rations de pommes de terre, de pain, de surcre, de lait, d'oeufs, etc., et qu'on prive de logements, de vêtements, de chaussures, de casseroles, etc., que c'est pour donner de l'extension à leurs villes en bidon à essence et en vieilles planches qu'on leur fait des discours sur des entités avec lesquelles ils sont trop peu familiarisés pour en déceler le vide effrayant.
Et c'est en cela que la minorité d'hommes qui s'ingénient à tout gâter par intérêt, ambition, ignorance ou bêtise, nous coûte le plus cher.
Dans le même numéro, à la p. 35
Notre ami et collaborateur Paul Rassinier, étant tombé gravement malade la veille de comparaître en correctionnelle, a vu le procès, que lui intentent le R.P.F. Michelet et le socialiste Thomas, remis à une date ultérieure.
Il eût été plus normal de l'annuler purement et simplement par abandon de poursuites, le bon sens, la morale et la justice tout court n'y auraient rien perdu.
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