Revenu national, salaires et profits.
Tout le monde est d'accord pour reconnaître que le revenu national, part d'environ 4.500 milliards en 1946 est progressivement arrivé à 7.500 milliards en 1950. Pour les années antérieures à 1946, on n'a que des chiffres imprécis et, pour 1951, s'il en a été publié, ils ne sont pas encore venus à ma connaissance.
Il faut, c'est bien certain, tenir compte du correctif qui peut intervenir dans les évaluations du fait de la dépréciation monétaire. Il n'est cependant pas discutable qu'à cet accroissement en milliards de francs correspond un accroissement en valeur absolue.
Voici maintenant, comparés à 1938, les changements qui sont intervenus dans la répartition de ces milliards et, pour que le raisonnement ne soit pas spécieux, en pourcentages:
Années | Salaires | Profits | Rentes diverses |
1938... | 45% | 29% |
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1946... | 42% | 35% |
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1947... | 42% | 40% |
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1948... | 36% | 50,5% |
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1949... | 34% | 51,5% |
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Ainsi donc, tandis que la part des salaires est allée sans cesse en diminuant, celle des profits n'a cessé d'augmenter. (Je ne dis rien de celle des rentes.)
1947 | 135 millions |
1948 | 290 millions |
1949 | 396 millions |
1950 | 558 millions |
Mais qui ne nous avait pas dit -- syndicats de toutes nuances en tête! -- que la part du travail augmenterait parallèlement à l'accroissement de la production?
Une politique indigente.
En 1949, la France a produit 40 millions d'hectolitres de vin - 54 millions en comptant la production de l'Algérie. Et, malgré les exportations et l'intervention de l'alambic, à la fin de 1950, il restait près de 7 millions d'hectolitres qui n'avaient pu trouver preneur.
En 1950, la récolte totale pour la France et l'Algérie est passée à 75 millions. si on y ajoute le stock de l'année précédente, nous disposions, au début de l'hiver dernier, de 82 millions d'hectolitres de vin.
Le problème de l'écoulement de tout ce vin s'est donc posé dans des termes assez délicats. Pensez donc, cela faisait près de 2 hectolitres par personne et par an, y compris les enfants au biberon!
Un économiste distingué -- et optimiste -- a donc prévu ceci:
Consommation-boisson: 55 millions d'hectolitres 1/2 (130 l /personne/an?); Usages industriels: 5 millions 1/2 d'hectolitres; Exportation: 1 million 1/2 d'hectolitres Stocks bloqués: 8 millions 1/2 d'hectolitres Total: 71 millions d'hectolitres.
Et il restait déjà 11 millions d'hectolitres dont on pouvait assurer au départ qu'ils ne trouveraient pas preneur.
Dans la pratique, sur les 55 millions 1/2 prévus pour la boisson au rythme de 4 millions 1/2 d'hectolitres par mois, au 30 avril dernier, soit après 7 mois d'application du plan d'écoulement, on enregistrait une consommation de 20 millions d'hectolitres, ce qui laissait prévoir un embouteillage supplémentaire de 19 millions d'hectolitres à la fin de l'exercice.
En octobre prochain, la France allait se trouver à la tête de 30 millions d'hectolitres de vin dont personne ne voudrait.
Un matin, le ministre de l'Agriculture en personne a sauvé la situation: le 28 avril dernier, il a décrété que... 2 millions d'hectolitres de vin seraient transformés en alcool.
Posons la question: qu'est-ce qu'on fera des 28 autres millions d'hectolitres?
Parce que, tout de même, il serait puéril de s'étonner que personne n'ait pensé que, si beaucoup de Français ne consommaient pas les quantités de vin prévues pour eux par le "plan d'écoulement", c'était peut-être parce qu'ils n'en avaient pas les moyens.
On peut se demander où passe la différence entre le prix à la production (descendu dans certains cas jusqu'à 25 francs le litre) et le prix à la consommation (70 fr le litre couramment)...
Petit poisson deviendra grand.
Tous les journaux du 8 mai ont reproduit l'entrefilet suivant:
Jacques Duboin, reprenant l'information, conclut: l'idiot du village est aujourd'hui l'oracle du monde.
On ne saurait mieux dire.
Car enfin, pour les patrons pêcheurs, rejeter le poisson à la mer ou le distribuer gratuitement, l'opération était la même. Et il ne manque pas d'économiquement faibles qui ne mangent pas de poissons parce qu'ils n'ont pas les moyens d'en acheter. Je connais un bureau de bienfaisance qui eût fait ses choux gras dans l'affaire...
Seulement le cours du poisson se serait effondré. Et c'est cela qu'à tout prix, il fallait éviter.
Le pain des rêves.
Ceci se passe à l'échelle du monde...
En avril dernier, les Américains se sont aperçus que 28 millions de tonnes de blé embouteillaient dangereusement leurs silos.
Justement, dans les Bidonvilles américains, des dizaines et des dizaines de milliers de personnes, mal logées, mal vêtues et sans travail manquaient de biscuits.
Pas question de leur distribuer ce blé, ce qui aurait provoqué un effondrement des cours.
Pas question non plus et pour la même raison de le diriger gratuitement sur un autre secteur de la consommation du pays, ni sur les poules, ni sur les cochons, car que faire de la viande ou des oeufs qui en seraient résultés?
Pas question, enfin de l'envoyer aux pays du plan Marshall qui ne savent déjà que faire du leur ni comment résoudre le problème.
La géographie du monde ayant été minutieusement étudiée, l'Inde pouvait être envisagée comme preneur éventuel: une famine y régnait précisément par manque de blé.
Le gouvernement hindou s'est donc porté preneur. Las!
Le pandit Nehru n'est pas très chaud pour la politique américaine en Asie. Alors, on lui promit 2 millions de tonnes de blé s'il voulait bien modifier quelque peu son point de vue sur les événements de Corée...
Naturellement, le pandit Nehru s'est tourné vers l'U.R.S.S.
Et les économistes américains continuent à se demander comment il peut bien se faire que le communisme maintienne ses positions dans le monde!
Aux dernières nouvelles, on ne sait pas encore ce que sont devenues ces 28 millions de tonnes de blé. Un jour, on apprendra qu'on les a purement et simplement détruites...
De la hausse à la guerre.
La guerre de Corée a été une affaire à un point qu'on ne saurait dire.
Les milieux de la finance dont l'expérience en cette matière se situe un peu au-dessus de celle des milieux politiques et particulièrement des milieux politiques progressistes ne s'y sont pas trompés: ils l'ont envisagé comme le premier incident d'ordre militaire du grand conflit qui se prépare.
Et ils ont commencé à constituer des stocks pour les écouler au bon moment. Tout comme les ménagères de mon quartier, mais avec des moyens légèrement supérieurs, ce qui leur permettait de ne pas se limiter à quelques kilos de sucre ou de café et à quelques litres d'huile. Ce qu'ils ont rafflé, ce sont les matières premières... On a donc enregistré des hausses qui ont atteint jusqu'à 200%.
La guerre ne venant pas, tout comme les ménagères de mon quartier encore, ils ont cessé de faire des stocks. Le malheur, c'est que, pour satisfaire à la demande accrue, on avait accéléré la production dans tous les domaines.
Et voici la mévente.
Sur les cours enregistrés en février et en mars - maximum atteint par la cote - on enregistre des baisses de l'ordre de 40% (caoutchouc), 25% (laine), 27% (étain), 20% (cuirs, coton), etc.
Sur les prix de gros, bien entendu, parce que sur les prix de détail, il y a l'Etat qui est là et qui intervient comme " élément régulateur" à ce qu'il dit.
Seulement, si la guerre tarde à venir, on se demande ce qui va se passer.
Pour empêcher le vin de baisser, on le distille ou on le stocke, c'est-à-dire qu'on le fait payer deux fois au consommateur qui ne boit pas. Pour la même raison, on détruit le blé et on rejette le poisson à la mer.
Ils sont fous.
Pourquoi voudriez-vous qu'ils hésitent devant la guerre quand ils n'auront plus d'autre solution?
Pourquoi, dites-moi?
Puisque nous continuons à hésiter devant la Paix!
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