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Défense de l'Homme, numéro 72, avril 1954, p. 7-10 et 10-12.
A l'extérieur, nous n'avons pas la C.E.D., c'est vrai. A ceux qui ont fait à M. Mendès-France un titre de gloire d'avoir fait échouer ce projet, je veux seulement dire que nous avons quelque chose de pire et que, sans entrer dans le détail de ce qui a été décidé à la conférence de Londres, les coups de clairons du président Eisenhower sur l'unité enfin retrouvée du monde occidental, suffisent à le prouver. Par surcroît, je connais des anticédistes toujours à la recherche du moindre mal qui se demandent avec angoisse s'ils n'eussent pas mieux fait d'être cédistes et s'il n'y a pas lieu de le devenir de toute urgence... L'accord s'est en effet réalisé à Londres, non pas sur la voie qui conduit au désarmement mais sur celle qui conduit au réarmement à partir de celui de l'Allemagne. Et il est garanti dans ses termes par l'Angleterre qui l'a signé alors qu'elle se tenait à l'écart de la C.E.D. De l'épreuve de la C.E.D. le monde occidental sort plus uni et à une plus grande échelle qu'il ne l'était avant le débat et là est le danger. En définitive, M. Mendès-France, qui a si bien réussi à faire accroire qu'il se battait sur le fond ne se battait que sur la forme et, en admettant qu'il ait agi en pleine conscience de ce qu'il faisait, s'il a réussi à prouver quelque chose, c'est que de deux formes d'organisation de l'Europe occidentale, d'inspiration également belliciste, il a préféré la pire.
Libre à qui voudra de s'en féliciter : très peu pour moi.
Si encore on pouvait mettre quelque chose
à son actif dans le domaine de la politique intérieure,
peut-être pourrait-on espérer que ce qui a été
compromis d'un côté est largement compensé
par ce qui a été gagné de l'autre et qui
ne peut manquer de ramener un heureux et, à la longue,
favorable équilibre. Mais le malheur veut que la politique
intérieure d'un gouvernement soit la conséquence
de sa politique extérieure et qu'à partir du moment
où un gouvernement accepte de s'associer à d'autres
dans un dispositif de guerre il ne lui soit plus possible de faire
le moindre pas dans le sens du progrès en matière
économique et sociale. Les deux choses sont incompatibles
et ne peuvent aller de pair : il va de soi que tout est toujours
subordonné aux besoins incommensurables du dispositif de
guerre.
Adieu donc aux réformes de structures.
J'ai déjà montré comment
M. Mendès-France était passé de "la
répartition plus équitable du revenu national"
à la "transformation de l'économie dans le
sens de la rentabilité".
Le Conseil des ministres qui s'est tenu aux environs du 28 septembre
est venu à point mettre en évidence à nos
yeux les exigences de la "rentabilité" recherchée
: on arrachera des vignes et des pommiers pour que les entreprises
du secteur de l'alcool soient non pas rentables, mais moins déficitaires.
Pour que les gros minotiers puissent continuer à exploiter
leurs sinécures en toute tranquillité, c'est-à-dire
pour que le prix du blé ne baisse pas trop, on en dénaturera
le plus possible et on le fera manger par les cochons. Et pour
que les gros du secteur industriel ne soient pas trop jaloux de
ceux du secteur agricole, on leur fera aussi quelques menues faveurs
par l'intermédiaire des acheteurs comme dans le cas des
fabricants de tracteurs.
Résultat : à l'annonce de ce mirifique programme, ceux qui détiennent les moyens de production et d'échange ont pris par avance leurs précautions et, en septembre, tandis que les prix de gros baissaient de 0.9 %, les prix de détail augmentaient de 0.6 % à la consommation familiale.
Mise en application de la taxe à la valeur ajoutée ( cette augmentation des impôts indirects qui n'ose pas dire son nom ), approche de l'hiver, etc..., disent les uns. Je sais bien que ces facteurs ne sont pas étrangers au phénomène, mais il n'empêche que tout se passe comme sous un vulgaire Laniel et que c'est toujours le consommateur qui paie les " politesses " faites aux spadassins de l'industrie et de la finance par le gouvernement.
En l'occurence, d'ailleurs, rien n'est plus clair.
Dans le cas des pommes, par exemple, le
problème se posait ainsi : la récolte de 1954 atteint
30 millions de quintaux, soit 3/4 de quintal par tête de
Français. Or, trois têtes de Français sur
cinq n'ont pas les moyens de s'offrir 3/4 de quintal de pommes
par an et les deux autres se satisfont de beaucoup moins, car
le Français n'est pas mangeur de fruits. Il était
cependant possible d'encourager la consommation de pommes et d'investir,
au profit de ceux qui n'ont pas les moyens d'en manger leur content,
les sommes qui seront consacrées à l'arrachage des
pommiers. Ce remède n'avait certes rien de révolutionnaire
en ce sens qu'il n'entraînait, au préalable, aucune
réforme dans la structure du système de distribution.
Il était seulement plus humanitaire : tout au plus eût-il
été une cause de perturbation dans les prix à
la production, ce par quoi il avait contre lui tous les détaillants
en fruits et légumes qui ont besoin de prix très
bas à la production. Et un manque à gagner certain
pour les distillateurs dont les subventions qu'ils perçoivent
de l'Etat, par un ingénieux système, sont fonction
des quantités de pommes qu'ils distillent. Ils en distilleront
le plus possible, donc. Mais comme malgré tout, ils ne
pourront pas distiller plus de la moitié de l'extraordinaire
récolte de 1954, le reste, qui ne peut être acheté
par les consommateurs aux prix imposés par les distributeurs
( faute d'argent ! ) pourrira sous les pommiers.
Et pour que le phénomène ne se reproduise pas l'an
prochain, on arrachera les pommiers contre subvention de l'Etat.
Si, l'année prochaine, il y a pénurie de pommes
pour une raison ou pour une autre et ne serait-ce que parce que
les intempéries en seraient la cause, on aura oublié
qu'un mauvais plaisant a payé pour faire arracher les pommiers
et un autre mauvais plaisant pourra décider de payer aussi
pour les replanter. Ne riez pas, ça s'est vu : l'abondance
des pommes en 1954 est le résultat d'une propagande gouvernementale
très coûteuse mais extrèmement bien menée
depuis dix ans dans tout le pays.
Ça s'est vu aussi pour la vigne : sous l'occupation, Pétain fit, à grands coups d'indemnités d'Etat, replanter des vignes que, dans les années 30-35 Tardieu avait fait arracher au même prix et qu'à nouveau Mendès-France fait arracher... Là encore, il était possible d'investir le coût de l'arrachage dans une entreprise destinée à favoriser la consommation du raisin dont le bon sens indique qu'il est criminel de le distiller. Mais là encore, et pour les mêmes raisons que dans le cas des pommes, ni les distillateurs ni les détaillants de fruits et légumes ne l'ont voulu. Et Mendès-France, lui, n'a pas voulu leur faire de peine.
On le comprend d'autant moins qu'apparemment M. Mendès-France a esquissé une solution de bon sens dans l'affaire du lait. Car de notre production record de 170 millions d'hectolitres -- 4 hectolitres par an, plus d'un litre par jour et par personne ! -- le gouvernement ne sait non plus que faire. Il y a bien un peu partout des sociétés dites régularisatrices du marché du lait, du type " France-lait ", qui ont mission d'absorber les trop pleins et de les transformer en une infinité de produits et jusqu'à de la nourriture pour le bétail en mélangeant judicieusement la farine et le lait : mais elles n'arrivent pas à endiguer ce fleuve de lait menacé de baisse dans le secteur des prix. On n'a pas osé proposer des indemnisations aux paysans qui tueraient leurs vaches comme à ceux qui arracheraient leurs pommiers ou aux vignerons qui arracheraient leurs vignes : parce que, une fois tuées, les vaches sont de la viande de boucherie et que toute tentative de dérivation du fleuve de lait vers les abattoirs se fût heurté à l'hostilité des chevillards et des bouchers, because les prix de la viande, -- les prix, toujours les prix ! -- qui eussent été menacés d'une baisse sérieuse. ( Par quoi on voit que l'abattage des vaches était beaucoup plus gros de conséquences que celui des pommiers ou que l'arrachage des vignes ).
La distribution gratuite de lait sucré aux enfants des écoles dont les parents se voient périodiquement refuser des salaires assez décents pour leur permettre d'en acheter en suffisance est donc la solution de moindre mal -- pour les privilégiés ! -- à laquelle s'est arrêtée M. Mendès-France.
Sa mise en application fera même d'une pierre trois coups, -- théoriquement tout au moins : elle décongestionnera en sus le marché du sucre et celui de l'alcool. Car on pourra ainsi soustraire à la distillation une quantité appréciable de betteraves qu'on acheminera vers les sucreries, étant entendu que l'association betteraviers-distillateurs-sucriers continuera de percevoir les mêmes subventions pompées sur les impôts indirects.
J'ai dit théoriquement parce que le prix de revient du sucre français baissera seulement de 2 francs par kilo, ce qui le ramènera aux environs de 70 francs le kilo, alors qu'en aucun autre pays du monde il ne dépasse 32 francs. Encore cette baisse n'est-elle obtenue que grâce à un abaissement de 200 francs par tonne que les distillateurs-sucriers-betteraviers ont accepté en échange de la promesse qu'il ne serait touché ni à leurs subventions ni aux principes fondamentaux sur lesquels repose leur association.
Ne disons cependant trop rien : on distribuera gratuitement du lait sucré aux enfants et si ce n'est un pas, c'est au moins le nez mis à la fenêtre dans la bonne direction. Regrettons seulement qu'on n'en distribue pas aussi aux vieillards, aux économiquements faibles et, d'une manière générale, à tous ceux qui n'ont pas les moyens d'en acheter autant qu'ils le voudraient. Regrettons aussi qu'on n'ait pas prévu de distribuer à tous ces gens des pommes, des raisins et... pourquoi pas, du pain ?
Car, avec les 115 millions de quintaux de blé que permet d'espérer la récolte de 1954 -- 24 millions de quintaux de plus qu'en 1953 ! -- nous sommes également aux prises avec un problème aussi ardu que celui du vin, de l'alcool, de la betterave, du sucre et du lait.
A propos des quelque 40 millions de quintaux de blé qu'il ne pourra vendre ni sur le marché extérieur parce qu'il est trop cher, ni sur le marché intérieur parce qu'il refuse à la classe ouvrière les moyens d'acheter du pain, on ne sait encore pas bien ce que le gouvernement décidera. Il est question de les dénaturer pour les rendre propres à la consommation du bétail, de préférence des cochons.
Ici, pas de problème : quand on aura tant de cochons qu'on ne les pourra plus vendre, on les tuera pour en faire de l'engrais que les paysans utiliseront pour faire pousser du blé qu'on dénaturera et qu'on donnera aux cochons...
Ne riez pas non plus : le système tient.
Et il est " rentable "... pour les privilégiés.
Pour donner tout son sens à cette
belle opération, on la fera, par tranches les dimanches
après-midi, comme les représentations de cinéma
des patronages, étant entendu que seront invités
à y assister les millions de pauvres gens auxquels on refuse
les moyens de manger à leur faim de ce pain qu'ils ont
pourtant "semé".
Je demande maintenant au lecteur de faire un effort de mémoire
et de se demander si les choses se passaient très différemment
sous Laniel ou Pinay. Très différemment, c'est-à-dire
que cela va beaucoup mieux maintenant.
Il y a la guerre d'Indochine ? Oui bien sûr et elle sert encore de drapeau à M. Mendès-France qui l'exploite à fond pour faire "avaler" n'importe quoi à une opinion d'une crédulité trop souvent prise en défaut. Mais, à ce compte, Pétain et Thiers qui ont eux aussi ramené la paix à un peuple tout aussi criminellement jeté dans la guerre seraient également de grands hommes dont nous n'aurions qu'à nous louer.
Il y a le programme social ? Oui mais le remaniement des salaires -- annoncé en même temps que la question de confiance, petit malin, va ! -- est envisagé dans les mêmes formes que sous Laniel et Pinay : ne touchant ni au profit, ni aux structures, il ne peut manquer d'avoir les mêmes conséquences sur les impôts indirects.
La réalité c'est que, comme le disait Guesde avec lequel je suis pour une fois d'accord, il y a une certaine continuité dans la politique des gouvernements qui se succèdent au pouvoir, qu'ils soient de droite ou de gauche.
Et que, tout en se donnant l'air de vouloir
rompre avec elle, tant sur le plan extérieur que sur le
plan intérieur, M. Mendès-France s'est à
son tour inscrit dans cette continuité.
Notes économiques
"Il ne semble pas que les Etats-Unis soient menacés d'une crise profonde comme celle de 1924 : nous sommes plutôt en présence d'une réadaptation de notre économie ", telle est la conclusion du rapport semestriel du président Eisenhower sur la situation économique, rendu public à Washington le 13 août dernier.
En suite de quoi, le rapport précise que :
1· Pendant le premier semestre de
1954, la production a fléchi de 2,7 % par rapport à
la période correspondante de 1953 ;
2· La main- d'oeuvre a baissé ( autrement dit que
le chômage a augmenté ! ) de 2,6 % ;
3· Les commandes du gouvernement ont baissé de 2
% en prix.
Par manière de consolation, il admet que ces chiffres traduisent une augmentation de la production nationale d'environ 4,4 % par rapport à 1952, le chômage étant toutefois plus important que pendant la guerre de Corée.
Un certain M. Istel, qui se dit économiste et qui suit, depuis plusieurs années, à New-York même, l'évolution de la situation américaine, commentant ce discours, trouve qu'il n'y a pas de sujet d'alarme et écrit :
On se souvient que l'économiste australien Clarke avait prévu, pour mai 1954, une crise américaine de l'importance de celle de 1929. Cette crise ne s'est pas produite, du moins à la date prévue.
On fait remarquer que la préparation du formidable raid aero-naval, préparé par Eisenhower en accord avec M. Bidault [ note 2 : Dénoncé à la Tribune du Parlement français par M. Mendès-France, le 8 mai 1954 ] et amorcé en date du 28 avril, n'a pas peu contribuer à l'écarter momentanément.
Depuis, l'économie américaine est en récession et, le rapport du président Eisenhower, portant sur le premier semestre seulement, ne peut pas faire état de cette récession.
Attendons le rapport sur le second semestre. Et, s'il est caractérisé, non pas par " la véritable paix " que redoute M. Istel, mais par une diminution de la tension internationale...
Dès aujourd'hui, on peut déjà noter que le Département d'Etat ne fait pas grand'chose ( voir conférences de Manille et de Londres ) pour diminuer cette tension.
Il n'est pas que la France qui ait des difficultés avec sa production agricole.
Dans la première quinzaine d'août la F.A.O. ( Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture ), a publié son rapport annuel.
Ce rapport analyse la situation de la production pour les principaux produits :
BLE. -- L'excédent de la production
mondiale par rapport à la consommation a continué
à se manifester, malgré la réduction des
emblavures aux Etats-Unis et au Canada. Le commerce international
du blé a subi un nouveau déclin ( 16 % de baisse
par rapport à 1952-1953 ), du fait de l'augmentation de
la production dans plusieurs pays importateurs. Les stocks mondiaux
sont évalués à 49 millions de tonnes, dont
80 % en Argentine, au Canada, aux U.S.A. et en Australie.
RIZ. -- La production a augmenté de 8 % par rapport à
1953, qui était déjà une année record.
SUCRE.- On prévoit un ralentissement de l'augmentation
de la consommation.
CAOUTCHOUC. -- Le rapport prévoir l'élimination
des surplus au cours du prochain exercice, en dépit de
la diminution des importations américaines et soviétiques.
FIBRES TEXTILES. -- La production et la consommation sont restées
stables. Les stocks de coton sont estimés à huit
mois de consommation. La consommation de la laine a diminué
de 3 %.
La F.A.O. est à la recherche de moyens susceptibles d'écouler tous ces " surplus ".
Ils s'écouleront d'eux-mêmes le jour où ceux qui en ont besoin pourront les acheter -- et il ne manque pas de gens qui en auraient besoin !
De toutes façons, la F.A.O. ne peut
pas compter sur la France pour absorber les excédents de
la production agricole mondiale !
Malgré les prix d'été consentis par les charbonnages, les stocks de houille ont atteint, le 15 août dernier, le niveau record de 14.882.000 tonnes, dans les six pays du " pool ", soit 4 millions de plus que l'an dernier à pareille époque.
Depuis, ils n'ont pas baissé.
Pour la France et la Belgique, ils atteignent 10 millions de tonnes dont 7,5 pour la France seule.
La Commission économique des Nations Unies qui s'est penchée sur cette question estime que cet accroissement est dû à deux causes principales :
1· la concurrence croissante du Fuel-Oil
;
2· la récession de la siderurgie.
Ici, nous pensons que la cause par excellence est la récession de la siderurgie, laquelle est due à la diminution de la tension internationale particulièrement à la fin des guerres d'Indochine et de Corée. Car le secteur de la sidérurgie qui est en crise est plus particulièrement celui des industries de guerre.
Signalons seulement en passant que, malgré ceet accroissement des stocks, les six pays du "pool", ont, pendant l'hiver 1953-54, acheté quand même 31 millions de tonnes de charbon aux Etats-Unis.
A leur décharge : la politique de M. Bidault, qu'ils croyaient irréversible, ne pouvait pas les inciter à prévoir une diminution de la tension internationale.
Autrement dit, pour les six pays du " pool " comme pour les Etats-Unis, le cher et dévôt ivrogne était la clef de voûte de la politique mondiale ( côté occidental ) de reprise économique.
Maintenant, c'est peut-être le buveur de lait Mendès-France.
Dans l'avant-dernier numéro, je signalais un des aspects particuliers de la productivité en ce qui concerne les houillères du Nord et du Pas-de-Calais. La doctrine officielle veut que l'augmentation de la productivité fasse automatiquement baisser les prix. Or, d'après leur rapport de gestion pour l'exercice 1953, les Houillères du Nord et du Pas-de-Calais ont réussi, au cours de l'année, à faire passer le rendement de 1,227 à 1,277 kg. par mineur de fond et de 806 à 839 par employé "fond et jour " ensemble ).
Or, ce résultat a été
obtenu grâce à une baisse de volume de la production
et au licenciement de 9.000 mineurs sur 144.700 [ note 1 : L'amélioration
de la productivité s'est, phénomène inattendu,
accompagnée d'une baisse de la production ! ]. Et le prix
de revient du charbon a augmenté de 201 francs par tonne
(!). Si le prix du charbon a un peu baissé au détail,
c'est grâce aux subventions gouvernementales qui se répercutent
sur les impôts de préférence indirects.
Depuis, un autre événement est venu infirmer encore
la doctrine officielle de la productivité : les renseignements
qui nous sont parvenus sur la situation économique allemande.
On a fait grand état des 10 % d'augmentation de la production industrielle allemande de 1951 à 1953 par l'amélioration de la productivité. Or ce résultat ayant été obtenu, les prix allemands ont, pendant la même période, augmenté de 12 à 14 % -- nous dit Match du 14 août dernier, qui prétend avoir puisé ses renseignements aux sources officielles.
On attend qu'un économiste distingué nous explique ce mystère ou décortique le mythe de la productivité.
M. Mendès-France ayant pris le pouvoir le 30 juin, un ancien ministre de Laniel, le général Corniglion-Molinier, écrivait dans Paris-Presse des choses comme celles-ci qu'on m'excusera de mettre bout à bout :
Cette guerre, comme toute guerre moderne, a créé des courants d'échanges durables, alimenté les carnets de commandes de nombreuses industries ; la contribution en dollars qu'elle a provoquée a financé le déficit de notre balance des paiements. La poursuite du conflit entretiendrait une activité sans doute malsaine mais réelle. Son arrêt posera le même ordre de problèmes que l'abandon d'une drogue pour un intoxiqué
Il y avait d'autant plus de quoi faire dresser les cheveux sur la tête que les intentions du général étaient des intentions de général.
Cependant, tout n'était pas faux dans ces propos hallucinants.
Dans une intention exactement contraire, la minorité du Parti travailliste anglais vient de définir sa position sur le réarmement allemand au congrès du Labour, qui a tenu ses assises à Brighton, à la fin du mois de septembre.
Voici, d'après ce document qui porte les signatures d'Aneurin Bevan, Barbara Castle, Richard Crossman, Tom Driberg, Ian Mikardo, Harold Wilson, les sept conditions qui préludent à la solution du problème allemand :
1· L'Allemagne doit être unifiée
avec des institutions libres et il faudra en persuader la Russie
;
2· Il sera impossible d'en persuader la Russie si la puissance
militaire d'une Allemagne unifiée s'ajoute à celle
des puissances atlantiques ;
3· On ne peut neutraliser l'Allemagne d'une manière
permanente, ce qui serait incompatible avec sa souveraineté
nationale ;
4· L'Allemagne ne saurait être exemptée du
fardeau économique que représentent pour ses voisins
les dépenses d'armement ; d'autre part l'armement d'une
Allemagne unifiée ne doit pas dépasser le niveau
au-delà duquel elle deviendrait l'arbitre de l'Europe ;
5· Il n'y a donc pas de solution au problème allemand
avant qu'ait été amorcé un désarmement
général et progressif ;
6· Le plan de désarmement devra éviter de
créer une crise industrielle ou un chômage massif
;
7· Le réarmement limite actuellement les ressources
disponibles en vue du relèvement des contrées sous-développées
; il faudra rendre ces ressources disponibles.
Il y a, évidemment, beaucoup à dire sur ces sept conditions. En particulier, je me méfie du point "7·" qui pourrait bien être conçu de telle sorte que, dans les échanges mondiaux, le profit des classes privilégiées fût, une fois de plus, sauvé.
Les points "5" et "6" sur lesquels je voulais seulement attirer l'attention du lecteur, rejoignent les préoccupations du général Corniglion-Molinier et les privent de leur sujet : posant en principe qu'il n'y a pas d'autre solution que le désarmement général au problème allemand, ils préviennent en même temps que le plan de désarmement général devra être mis en oeuvre de telle sorte qu'il n'en résulte pas "une crise industrielle ou un chômage massif " c'est-à-dire la récession économique redoutée par le général Corniglion-Molinier à propos de la fin du conflit indochinois et qui se produit actuellement si on en croît les récents propos de M. Mendès-France à un journal américain.
C'est tout le problème de la transformation des structures dont la nécessité est ainsi proclamée, si on veut vraiment la paix.
Car le problème du désarmement
général est inconcevable dans les structures actuelles
lesquelles ne perdurent plus que par la politique des armements
et la guerre -- P.R.
Notre ami Paul Rassinier nous informe que, malgré la décision
de justice qui frappe ce livre d'interdit, il est décidé
à rééditer lui-même Le
Mensonge d'Ulysse, si 700 camarades sont, au départ,
intéressés par cette entreprise.
On sait qu'acquitté en correctionnelle, Rassinier a été
condamné à 15 jours de prisons avec sursis, 100.000
francs d'amende et 800.000 francs de dommages et intérêts
par la Cour d'Appel de Lyon et que l'affaire est en instance devant
la Cour de Cassation.
Dans ces conditions, aucun éditeur ne veut risquer de se
voir à nouveau traîner devant les tribunaux et le
livre est introuvable.
Cette nouvelle édition comprendrait deux volumes, tous
deux épuisés, en un seul, Le Passage de la Ligne
(ou l'expérience vécue par l'auteur ) et le Mensonge
d'Ulysse proprement dit ( ou l'expérience telle que
les autres prétendent l'avoir vécue ), le tout précédé
d'une introduction inédite par laquelle l'auteur répond
aux accusations portées contre lui dans la presse, à
la barre des tribunaux et à la tribune de l'Assemblée
nationale.
Réalisée dans ces conditions, elle prend le caractère
d'un acte individuel de courage accompli par un homme qui maintient,
contre un courant d'opinion et la décision d'un tribunal,
un témoignage vécu, injustement, voire iniquement
condamné.
Prix de l'exemplaire : 855 fr. port compris.
Retenez votre exemplaire chez l'auteur, 45, rue de Lyon, à
Mâcon, mais n'envoyez l'argent que le jour où, si
l'entreprise peut réussir, vous en serez individuellement
prévenu.
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Défense de l'Homme, numéro 72, avril 1954,
p. 7-10 et 10-12.
A propos... p. 25.
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