En 1938, il y avait un décalage de l'ordre de 16% entre le coefficient d'augmentation des salaires et celui du prix de la vie, par rapport à 1914. En faveur du prix de la vie, bien entendu, et tout l'effort des syndicats tendait à rattraper ce décalage. La guerre est venue qu'ils n'y étaient point arrivés.
A la libération, en 1945, on se mit à calculer les coefficients d'augmentation des salaires et des prix par rapport à 1938 et le décalage fut définitivement perdu pour la classe ouvrière.
En prenant la base 100 pour 1938, en 1949, le prix de la vie était arrivé au coefficient 1715 (juillet) et les salaires au coefficient 1300 environ (salaire social, cotisations à la S.S. comprises). En juillet 1950, ces coefficients étaient respectivement 1825 et 1450.
Or, voici que, maintenant, on fait passer à l'as -- il n'y a pas d'autre expression qui dise mieux ce que je veux dire -- ce nouveau décalage par rapport à 1938.
Le moyen était simple et il suffisait d'y penser: dorénavant les indices seront calculés en prenant la base 100 pour 1949.
Et il n'est plus question de récupérer les 400 points d'écarts perdus depuis 1945. Du moins, les diverses organisations syndicales placées devant le fait accompli emboîtent le pas et ne raisonnent plus que sur les nouvelles bases qui leur sont proposées par les nouveaux indices.
Naturellement, le décalage entre les salaires et les prix ne fait que croître et embellir: en mai 1951, l'indice de la statistique générale pour les 34 denrées de première nécessité était passé à 129,4 (pour 100 en 1949) et avait donc subi une augmentation de l'ordre de 27%. Mais, en dépit qu'on se garde de le publier, l'indice des salaires n'arrivait péniblement qu'aux environs de 114. (Depuis 1949, les augmentations successives de salaires se traduisent par une moyenne de 12 à 15%.)
Dans quelques années, quand le décalage sera de nouveau trop criant, on effacera tout et on recommencera sur une nouvelle base de 100 de part et d'autre.
Et pourquoi voulez-vous que les organisations syndicales y voient une nouvelle fois autre chose que du feu?
Soyons précis
Des informations qui sont parues dans les journaux pendant la campagne électorale, et en effectuant patiemment tous les recoupements nécessaires, on peut tirer le tableau suivant qui chiffre très exactement les augmentations de prix intervenues entre juin 1950 et juin 1951:
1950 | 1951 | Hausse (1) | |
Le kilomètre de chemin de fer. | 3 | 4 | 33% |
Ticket de métro...................... | 22 | 25 | 14% |
Le m3 de gaz........................... | 16,70 | 24,20 | 45% |
Le kg. de pain......................... | 35 | 40 | 11% |
Le kg. de bifteck...................... | 476 | 850 | 80% |
Le litre de lait......................... | 32 | 38 | 19% |
Le kg. de beurre...................... | 507 | 612 | 20% |
Le camembert....................... | 78 | 120 | 54% |
Le litre d'huile......................... | 295 | 365 | 24% |
Le kg. de sucre......................... | 105 | 108 | 5% |
Le kg. de café......................... | 725 | 765 | 5% |
Le kg. de chocolat................... | 350 | 435 | 24% |
Pommes de terre nouvelles.... | 34 | 49 | 43% |
Le kg. de pâtes........................ | 156 | 168 | 7% |
Le kg. de poisson................... | 150 | 200 | 33% |
Le kg. de savon...................... | 134 | 227 | 70% |
Dans le même temps les salaires ont été augmentés de 8%.
Est-il besoin de commenter?
Drôle de drame
L'information m'est parvenue trop tard pour que j'en fasse état dans mon article du dernier numéro qui traitait de ce sujet.
En Amérique, un grand magasin, poussé par ses difficultés de trésorerie, décida de baisser tous ses articles de 15% en moyenne.
Les voisins ont protesté contre cette concurrence déloyale et cela va de soi.
L'Etat aussi. Cela va également de soi mais le consommateur moyen ne comprend pas très bien qu'un Etat, qui clame dans tous ses journaux que sa politique est une politique de baisse des prix, se mette à protester quand un simple citoyen veut mettre en pratique les théories qu'on lui propose.
C'est pourtant simple: en Amérique aussi la politique de préparation à la guerre fait augmenter les impôts indirects dans une proportion plus forte que les impôts directs.
Or, les impôts indirects étant en l'occurrence calculés sur le chiffre d'affaires, l'Etat ne saurait tolérer qu'on diminue ses ressources en diminuant le chiffre d'affaires.
Cet exemple intervient à point nommé pour démontrer que l'Etat est condamné à une politique de hausse du coût de la vie.
La guerre ou la paix?
Au moment où j'écris, on ne connaît pas encore les résultats des pourparlers en cours au sujet de l'affaire de Corée: il est très possible qu'ils aboutissent à un armistice et à la cessation des hostilités.
Les gens sensés diront que, pendant un an, on s'est battu pour rien, puisqu'aucune solution autre que le statu-quo ante ne paraît possible. Sous cet angle, ils auront raison.
Mais il ne faut pas oublier que, pendant ce temps, les Russes ont consolidé leurs positions stratégiques et diplomatiques en occident.
Précisément, voici que de nouveaux éléments de conflit se révèlent en occident et notamment en Iran. Dans quel sens évolueront-ils? On ne le sait pas pour l'immédiat et ceci pourrait dépendre en grande partie des réactions de l'opinion publique. L'empressement des Russes à traiter soudain doit-il être interprété comme un souci de se libérer à l'Est d'une affaire qui leur apparaît sans issue profitable pour être pieux à même de tirer le meilleur parti d'un conflit qui renaît à l'ouest et dont on peut compter qu'ils ne se feront pas faute de l'envenimer à souhait? C'est probable et c'est pourquoi les pacifistes ne doivent pas cesser de se montrer vigilants.
Quelle que soit l'issue des pourparlers de Corée, le danger de Guerre subsiste s'il est moins immédiat.
Cette conclusion ne semblant pas discutable sur le plan psychologique, il reste le plan économique et social.
L'arrêt des hostilités en Corée signifie la disparition d'un secteur de la consommation mais en aucun cas l'arrêt de la production, particulièrement de la production de guerre.
Or, si on ne consomme pas la production de guerre, on l'accumulera et il y a des limites à l'accumulation capitaliste. Le jour où les entrepôts de matériel de guerre seront aussi pleins à craquer que les entrepôts destinés à recevoir les produits de consommation courante, il n'y aura plus d'autre issue que la guerre... ou la Révolution. Malheureusement, étant donné l'état des forces révolutionnaires dans le monde, la guerre conserve plus de chances que la Révolution. Encore, qu'à mon sens, il soit préférable d'essayer d'éviter l'une et l'autre en traitant à froid de ces questions dès maintenant pour être dispensés de les résoudre à chaud, c'est-à-dire par la violence à échéance plus ou moins lointaine...
Sur le plan social, il reste enfin ceci, que la course aux armements qui continuera avec ou sans paix en Corée, aura pour inconvénient immédiat d'empêcher le prix de la vie de baisser.
M. Baumgartner, gouverneur général de la Banque de France, vient de rendre public un rapport dans lequel il dit que "l'accroissement des dépenses militaires dans le monde provoque la hausse des matières premières sur les marchés internationaux et compromet dans tous les pays l'équilibre fragile des prix intérieurs."
Il s'y connaît
On peut lui faire confiance.
Mais quand donc les diverses organisations syndicales consentiront-elles à se défendre sur le terrain où on les provoque au combat?
Dans ce même numéro de Défense de l'Homme, de juillet 1951, on pouvait lire ce placard, p. 14, signé de Louis Lecoin, qui en était le principal inspirateur:
J'ai quitté Paris au moment où certains camarades, dont mes amis Emile Bauchet et Paul Rassinier, se réunissaient pour jeter les bases d'un rassemblement de tous les pacifistes.
Ils ne perdirent pas leur temps, bien au contraire.
D'un commun accord, ils ont décidé de tenir pour les 22-23-24 septembre [1951] des "journées d'études des moyens d'action contre la guerre" auxquelles seront convoqués tous les groupements se réclamant du pacifisme en vue de créer un vaste front humain contre la guerre.
Ces journées obtiendront, nous en sommes sûrs, un très grand succès car tous les vrais pacifistes de ce pays s'y intéresseront et y participeront au moins par voie de délégation.
Il en résultera, nous l'espérons très vivement, ce rassemblement indispensable qu'ici, à "Défense de l'Homme", nous préconisons depuis nos premiers numéros.
Et, par la suite, lorsque la paix sera particulièrement en péril, les véritables pacifistes ne se trouveront plus désunis et ils posséderont, avec ce FRONT HUMAIN, des moyens d'agir. - L.L. [Louis Lecoin]
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