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VARIATIONS SUR LA LIBERTÉ

par Paul Rassinier

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Défense de l'Homme, numéro 95, septembre 1956, p. 3-7. 

 

 

 En 1548, il y eut, dans toute la Guyenne, un si important mouvement de rébellion contre la Gabelle, que le Roi de France dut envoyer sur place, le Connétable de Montmorency pour rétablir l'ordre. La répression du Connétable fut d'une si horrible cruauté et la populace la subit si docilement qu'un jeune étudiant de 18 ans -- du Collège de Guyenne, à Bordeaux -- en conçut un chef d'oeuvre un peu oublié, certes, mais qui nous est tout de même parvenu sous le titre de Discours de la servitude volontaire ou Contr'un.

 Ce jeune étudiant était de bonne noblesse: il s'appelait Étienne de la Boétie. On le retrouva quelques années plus tard membre du Parlement de Bordeaux où il fut l'ami et le collègue de Montaigne.

 L'idée maîtresse du Discours de la servitude volontaire est qu'il y a des tyrans et des esclaves mais que, contrairement à ce qu'un vain peuple pense, au besoin et au désir du tyran de manier la trique, correspond l'indestructible goût de l'esclave à recevoir les coups. En d'autres termes, que les goûts de l'un vont au devant des désirs et des besoins de l'autre.

 Écoutons-le parler. sur le ton de l'analyse d'abord:

« La vérité, c'est la tendance naturelle du bas peuple, dont le nombre est toujours plus grand dans les villes: il est soupçonneux à l'endroit de celui qui l'aime, et assez naïf envers celui qui le trompe. Ne pensez pas qu'il y ait nul oiseau qui se prenne mieux à la glu, ni aucun poisson qui, par gourmandise s'accroche plus vite à l'hameçon, que les peuples s'alléchant rapidement à la servitude pour la moindre plume qu'on leur passe, comme on dit, sous le nez: c'est chose merveilleuse comme ils se laissent aller ainsi dès qu'on les chatouille. Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les images et autres drogueries semblables étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie."

 Le voici, maintenant, indigné:

« Allons, plèbe patiente, foule soumise, descends en toi-même et sonde ton cœur inerte avec quelque sincérité; reconnais ton agenouillement séculaire devant tout ce qui fut cynique, brutal, ton empressement nauséabond à te donner des maîtres, à t'en inventer quand tu en manquais: vois ta bassesse et ta platitude plus que proverbiales:confesse ton entêtement à ne pas tenir compte des plus définitives expériences, des plus évidentes leçons; avoue ta prodigieuse indifférence pour tout ce qui devrait t'intéresser, ta complète absence de fierté, ton inconscience admirable, tes instincts de fille qui ne peut se passer d'un souteneur. C'est bien un peu de ta faute, voyons, tout ce qui t'arrive, ô excellent public! Si doux à qui te rudoie, si revêche à ceux qui t'aiment. « Pour que tu oignes vilain, vilain, il faut te poindre ». Le vieux dicton est toujours vrai. Fais donc ton examen de conscience, et cette révolution que tu attends -- oh! très patiemment du reste -- toute rôtie, de l'on ne sait qui, de l'on ne sait d'où, commence par la faire en toi-même! »

 Tout est de cette veine et il faudrait tout citer: je renvoie le lecteur au cahier n° 3 de Pensée et action[1] (juillet-septembre 1954) qui est la plus récente édition intégrale du Discours de la servitude volontaire.

 Si j'ai pensé, ce jour, à Étienne de la Boétie, c'est d'abord pour dire à ceux qui, après avoir vu la jeunesse de France partir docilement en Algérie et senti que le reste de la nation était prêt à s'embarquer pour Suez sur un mot de M. Pineau, se sont mis à parler en termes méprisants de « l'incompréhensible goût de la classe ouvrière pour les coups de pieds au derrière » qu'ils n'ont rien inventé et qu'il y a quatre cents ans, on disait beaucoup mieux les choses.

 C'est aussi pour leur dire qu'on était beaucoup plus généreux.

 Car, en dépit du ton qu'il emploie et qui se laisse parfois aller à la violence inhérente à la polémique, on aurait tort de croire qu'Étienne de la Boétie méprise le peuple. Au contraire, il le comprend, l'excuse et lui pardonne, ce qui est d'autant plus méritoire qu'à son époque, cela n'était guère dans les dispositions d'esprit des hommes de son origine. S'il sait flageller les couards et les eunuques, il sait aussi honorer les défenseurs de la liberté et il ne veut point être injuste envers ceux qui naquirent « le col sous le joug » qui, « n'ayant jamais vu seulement l'ombre de la liberté n'en peuvent être avertis » et n'imaginent pas qu'il puisse y avoir, pour eux, d'autres conditions de vie que celles qui sont les leurs.

 Tout le drame est là: l'homme n'a pas d'imagination ou il n'en a guère. Il n'en peut, en tout cas, pas avoir assez pour se représenter des choses qui ne lui sont jamais tombées sous le sens. Ainsi le veut sa condition qui a ses limites. Pour ceux qui sont atteints de surdité congénitale, la parole est une abstraction inaccessible: même dotés d'un appareil vocalisateur parfaitement conditionné, ils n'arrivent jamais à reproduire et à articuler des sons qu'ils n'ont jamais entendus. Ceux qui sont atteints de cécité congénitale n'arrivent, de même, jamais à avoir la moindre idée de la lumière et, à plus forte raison, des couleurs dont ils entendent constamment parler autour d'eux. Au regard de la liberté, les esclaves sont des sourds et des aveugles congénitaux: ils ne l'ont jamais vue, ils ne peuvent se représenter ce qu'elle est.

 Dès leur entrée dans la vie, on les a inscrits dans un ordre de choses, de faits, d'idées dans lequel la fessée alterne avec la sucette, en famille, à l'école, à l'église et, plus tard, à l'usine et à l'armée. Finalement, ils ont le sentiment d'être libres quand ils écoutent les âneries de la radio, lisent le journal qui les abrutit davantage ou vont boire un pastis au bistrot. Ils vont librement à l'usine et s'ils partent à la guerre, c'est encore librement pour défendre la liberté. Ils mangent librement, dorment librement et se lèvent librement à l'heure fixée par le réveil, aiment et se marient librement, choisissent librement les représentants chargés de faire les lois qui les asservissent et de veiller à ce qu'elles soient respectées. Même, ils courbent librement l'échine sous les coups qu'ils reçoivent, soit qu'on les condamne à des salaires de famine, qu'on les licencie de l'usine ou qu'on les envoie se faire tuer sur les champs de bataille, en Algérie ou ailleurs. Ces coups, c'est la fessée à laquelle ils ont été habitués au sortir du berceau et ils savent que pour avoir la consolation de la sucette que sont la radio, le cinéma, le journal -- de préférence illustré -- et le bistroquet, il faut de temps à autre la recevoir.

 Quand les coups sont un peu trop fortement appliqués, on les appelle l'adversité pour les plus doctes d'entre les esclaves, et une morale savamment étudiée leur enseigne que l'adversité est une chose qui se surmonte. Généralement, elle est collective l'adversité, elle se subit dans la chair et c'est l'esprit qui la surmonte. La chair est faible et basse, l'esprit est noble: ils surmontent l'adversité pour être nobles. On leur dit parfois qu'ils sont des héros et ils se rengorgent. Ils parlent alors de leur dignité d'hommes libres car ils ne savent pas plus ce qu'est la dignité que la liberté.

 Au hasard du temps, un siècle favorisé produit un Démocrite, un Étienne de la Boétie, ou un Bakounine: ils ne sont point entendus, on fait un autodafé de leur pensée, ou on jette sur elle le manteau de l'oubli ou on les envoie en prison quand on ne les brûle pas eux-mêmes. Il faut des Érasme ou des Montaigne pour nous les restituer après-coup, mais les Érasme et les Montaigne sont aussi rares que les Démocrite, les Étienne de la Boétie et les Bakounine.

 Parmi les esclaves, quelqu'Ulysse parfois se révèle qui essaie de présenter à ses compagnons d'infortune, la liberté dans une autre acception que celle du tyran. Il est ingénieux, fin, rusé, souvent braillard. Il se prend à son jeu ou il joue délibérément. La farce se termine alors en Staline cautionné par Platon, en Hitler, en Mussolini ou en Péron. C'est une autre liberté pour la masse et l'esclave le plus inconscient de son sort, n'a d'autre ressource que de proclamer avec André Chénier qu' « être libre, pour moi, n'est que changer de chaînes ».

 Qui rendra évidentes les chaînes de l'amour et de la haine, de la misère avec ou sans faux-col et de la mort en musique, du Coran et des commandements de Dieu, des codes et des morales de circonstances, du dictionnaire des idées reçues et de toutes les bibles? Et qui en inspirera l'horreur?

Étienne de la Boétie n'y a pas réussi et pas davantage ceux qui, après lui, se sont inscrits sur sa lancée. Montaigne ne le sauva de l'oubli qu'au nom de l'amitié et avec beaucoup de prudence. A la veille de 1789, il eut son heure de célébrité chez les Encyclopédistes mais il n'atteignit vraiment le public des lettres qu'en 1835 et 1836 grâce à Lamenais et Charles Teste, à la faveur du grand courant d'idées libérales qui secoua la première moitié du XIXe siècle. Si on parle de lui encore aujourd'hui, on le doit aux anarchistes.

 On en parle d'ailleurs assez peu: notre siècle a d'autres préoccupations que de repenser le problème, résolu pour lui, de la liberté.

 La liberté, c'est finalement le ciseau de Rude et le tambour de Victor Hugo qui lui en ont donné l'image la mieux adaptée à son niveau: « elle a des ailes et elle vole dans les balles ».

 L'essentiel est qu'on ne manque pas de balles.

 Ni d'occasion de les utiliser.

 Justement on vient d'en manquer une à Suez. M. Georges-Picot, président du conseil d'administration de la Compagnie du canal, la reine d'Angleterre, MM. Eden et Pineau, tout le personnel politique et diplomatique de la France et de l'Angleterre et leurs financiers, en ressentent un dépit que Caliban ne ressent pas moins.

 Ainsi, on se rattrapera ailleurs, qu'on en doute point.

 

OOOOOOOOOOOOOO

 

L'honorable compagnie

 La compagnie universelle du Canal de Suez a été constituée avec un capital de 200 millions de francs-or (près de 400 milliards de francs d'aujourd'hui) répartis en 800.000 actions de 250 francs (valeur actuelle oscillant entre 70 et 90.000 francs). L'Angleterre possède 353.000 de ces actions dont 300.000 à la famille royale et la France 447.000 dont 208.000 entre les mains des agioteurs, les autres étant dans celles du gouvernement.

 Le conseil comporte 32 administrateurs: 16 Français dont le président, 9 Anglais, 5 Égyptiens, 1 Hollandais, 1 Américain.

 En 1955, le trafic a atteint 110 millions de tonneaux qui se répartissent ainsi: 33 sous pavillon britannique, 16 sous pavillon norvégien, 14 sous pavillon libérien, 11 sous pavillon français, 8 sous pavillon panaméen. En pourcentage, ces chiffres donnent: 28 % pour la Grande-Bretagne, 13 % pour la Norvège, 10 % pour la France, 8 % pour Panama et 12 % pour le Libéria. Sur ce trafic, le pétrole du Moyen-Orient (production en 1955: 110 millions de tonnes) entre pour 60 %.

 Les recettes de la compagnie, en 1955, se sont élevées à 32 milliards de francs dont 5 environ sont allés à l'Égypte en application de la concession

 

 Les recettes de la compagnie, en 1955, se sont élevées à 32 milliards de francs dont 5 environ sont allés à l'Égypte en application de la concession [2] qu'en 1883 elle fit à la Compagnie relativement à l'exploitation du canal. Les 27 milliards restant sont allés aux actionnaires franco-anglais au titre des dividendes et des jetons de présence. La nationalisation du canal par Nasser pourrait rapporter une vingtaine de milliards par an à l'Égypte.

 L'intérêt du canal de Suez pour la France et l'Angleterre est le suivant: du Golfe Persique aux ports de la Manche, il y a environ 10.000 kilomètres en l'utilisant et 21.000 en passant par le Cap de Bonne-Espérance si jamais Nasser interdisait le passage aux pavillons français et anglais.

 Mais Nasser a garanti la liberté de la circulation sur le canal, si bien que, ce qui est en cause, ce sont seulement les dividendes des actionnaires de la compagnie qui ne seront pas les mêmes selon qu'elle sera ou non nationalisée par l'Égypte.

 Autrement dit, la reine d'Angleterre, M. Georges-Picot et les autres petits porteurs de Suez sont menacés du sort des actionnaires des chemins de fer français ou des houillères que la France a nationalisés sous Blum et Ramadier prédécesseurs de Pineau et Guy Mollet.

 C'est tout.

 

Finita la comedia

 Au début du mois de mai dernier, M. Guy Mollet promit la fin de la guerre d'Algérie dans un délai de trois semaines.

 Bien entendu, trois semaines après, rien n'était fini: tout començait à peine, les quatre cent mille jeunes français (étrange coïncidence: le même chiffre que pour l'Indochine) chargés de ramener l'ordre, n'étaient pas encore arrivés sur place. Trois mois après, la bagarre avait pris de telles proportions que Robert Lacoste, s'il en promettait encore la fin pour octobre, ne le faisait cependant plus que timidement. Il fallait une explication. On trouva Nasser.

 L'explication était bonne en ce sens qu'elle servait à deux fins: en même temps qu'elle justifiait la durée de la guerre en Algérie, elle permettait au gouvernement de faire accepter sans discussion par la Chambre, les décrets Ramadier en matière de finances nationales.

 Elle avait cependant un petit inconvénient: si Nasser était responsable de la guerre en Algérie, il fallait faire quelque chose contre lui.

 La campagne d'Égypte était donc en puissance dans tous les bons esprits du gouvernement quand Nasser décida de nationaliser la compagnie du canal de Suez et fournit ainsi, lui-même, avec une grâce qu'on aurait tort de ne pas lui reconnaître, l'occasion de faire quelque chose contre lui.

 La flotte française appareille pour Suez. Ça ne faisait pas un pli: on allait l'avoir, le Nasser. Et d'autant plus rapidement qu'outre-Manche, un autre imbécile avait décidé d'y envoyer aussi la flotte anglaise. La fin de la guerre en Algérie n'était plus qu'une question de jours. Robert Lacoste triomphait.

 Il falllut déchanter: à la conférence de Londres, on s'aperçut bien vite que le monde entier était contre la France et l'Angleterre.

 Le problème du canal de Suez est en train de se régler par la voie diplomatique entre Moscou et Washington, cependant que, pour la forme, les mandataires des 18 conférenciers de Londres -- sur 54 possibles, représentés à l'O.N.U.! -- après avoir poliment discuté avec Nasser, s'en sont remis à l'O.N.U. du soin de régler l'affaire.

 On finit par où on aurait dû commencer.

 Robert Lacoste vient de subir une opération chirurgicale. Si on me disait qu'au Quai d'Orsay on prépare des textes qui expliqueront la prolongation de la guerre d'Algérie par les coliques néphrétiques du ministre-résidant, je n'en serais pas autrement étonné: il y a bien un historien qui a expliqué Waterloo par l'incontinence d'urine de Napoléon 1er.

 Il faudra pourtant bien trouver une autre explication: un jour, peut-être découvrira-t-on que la guerre d'Algérie n'est qu'un tout petit incident dans le grand drame de l'arrivée à la maturité du monde arabo-asiatique.

 Et que cela sonne le glas du colonialisme.

 

Le point crucial

 Il faudra aussi trouver un autre moyen de distraire l'attention de l'opinion, à la fois de ce qui se passe en Algérie et des problèmes sociaux intérieurs auxquels la rentrée parlementaire ne peut manquer de donner un regain d'actualité, voire d'acuité.

 C'est sans doute dans cette intention, que, de concert avec M. Eden, M. Pineau a envoyé, au début de ce mois, un contingent de troupes françaises à Chypre. Nasser venait juste d'entrer en pourparlers avec les mandataires de la conférence de Londres et cette initiative franco-anglaise apparut, aux yeux des Russes et des Américains, comme l'affirmation d'une volonté délibérée de faire échouer les pourparlers et aux yeux de l'opinion française comme une fanfaronnade. Loin de produire l'effet de diversion attendu, elle tomba à plat et les problèmes sociaux intérieurs, notamment la situation financière de la nation, prirent facilement et rapidement le pas sur elle.

 M. Ramadier fut de nouveau le point de convergence de tous les mécontentements.

 Rue de Rivoli, M. Ramadier, bien à l'abri derrière l'écran de Suez qu'on avait habilement dressé entre lui et l'opinion publique jonglait avec les milliards: il se proposait d'en économiser 400 pour qu'en tout état de cause, le déficit de 1.000 milliards constaté dans le budget de 1956 ne fût point dépassé en 1957. Les choses n'allaient pas toutes seules: ces 400 milliards ayant été trouvés, notre grand argentier s'était aperçu qu'ils avaient été aussitôt absorbés par des dépenses nouvelles équivalentes (52 milliards pour la revalorisation des traitements de fonctionnaires; 50 milliards au titre de la Dette publique et pour le paiement des primes à la construction; 18 milliards aux Anciens Combattants; 35 milliards au Fonds national de Solidarité; 11 milliards aux Transports parisiens; 10 milliards de subventions pour la garantie des prix à l'exportation… et cent milliards de dépassement de crédits prévus pour la guerre d'Algérie). La quadrature du cercle. Hors l'emprunt et de nouveaux impôts, le tout assorti du blocage impitoyable de tous les prix M. Ramadier ne voyait pas d'autres mesures propres à éviter l'inflation et la dévaluation…

 C'est le Conseil National du Patronat Français qui, le premier, ouvrit le feu en ces termes:

« De nouveaux facteurs de hausse s'accumulent qui pèsent lourdement sur les prix de revient des entreprises. Les matières premières coûtent plus cher. La fiscalité a été aggravée. Les charges sociales se sont accrues. Les hausses de salaire, essentiellement imputables à une rareté de la main-d'oeuvre disponible, en raison d'événements extérieurs, dépassent ce que l'amélioration de la production permet de dégager.
« De ce fait, certains secteurs industriels dont la situation avait déjà motivé un recours auprès de la direction des prix, se trouvent en face de difficultés qu'ils ne pourront plus surmonter.
« Des mesures avaient été reconnues indispensables à leur égard par l'administration. Devant la conjoncture internationale et la nécessité de maintenir la stabilité des prix, le gouvernement a cru devoir les écarter et prendre une décision d'une rigueur absolue en édictant un blocage indiscriminé des prix.
« Cette politique, qui laisse à l'ensemble des entreprises tout le poids des charges nouvelles, met en péril les secteurs de la production dont l'exploitation se trouvait déjà menacée.
« Il est vain de penser qu'une telle mesure puisse agir comme un facteur de stabilité économique, lorsqu'elle a pour effet de compromettre l'existence même des entreprises. »

Le plus grave, c'est que c'est vrai.

 C'est d'ailleurs ce que nous avons toujours dit: dans les structures économiques et sociales actuelles, il n'y a pas de solution au problème de l'inflation et de la dévaluation. Ni les mesures autarciques de M. Ramadier, ni le libéralisme économique qui est la panacée du C.N.P.F. ne peuvent redresser une situation irrémédiablement compromise. Entre le ministre et le patronat, ce dialogue qui évite soigneusement l'indispensable et totale refonte des structures traditionnelles de la société, ne peut se poursuivre qu'à côté de la question et il est sans objet.

 Comme il se poursuit dans les mêmes termes avec la classe ouvrière, il est là aussi, sans objet.

 

Le guérisseur

 En matière économique et financière, l'éminence grise de tous les gouvernements à direction Socialiste a été, depuis la fin de la guerre, M. Robert-Mossé, professeur à la Faculté de droit de Grenoble.

 Il y a quelques mois, M. Robert-Mossé écrivait dans Le Monde que les risques d'inflation, par conséquent de dévaluation étaient à peu près inexistants. Le 26 août dernier, toujours dans Le Monde il écrivait que nous étions « parvenus à un point crucial, à un seuil dangereux » en deça duquel il fallait à tout prix rester.

 Il indiquait que « pour lutter efficacement contre l'inflation, le gouvernement dispose de cinq moyens dont il lui appartient de jouer harmonieusement en utilisant le piano, l'andante ou le fortissimo, selon le cas ».

 A toutes fins utiles, voici les cinq remèdes de M. Robert-Mossé:

1. -- Réduire les dépenses publiques: Après les avoir réduites de 400 milliards, M. Ramadier se retrouve Gros-Jean comme devant, ainsi qu'il est établi ci-dessu. Cette expérience que tous les gouvernements ont tenté depuis la fin de la guerre de 1914-18 est concluante: à coup d'économies draconniennes, les dépenses publiques n'ont cessé d'augmenter au rythme inquiétant que l'on sait. Il n'y a pas d'économies possibles dans ce régime, parce qu'on n'y peut combler un trou sans en creuser un autre.

2. -- Diminuer les investissements publics et privés: Chaque fois qu'on l'a fait, on a ralenti la production et provoqué le chômage que l'État a dû prendre à sa charge ce qui lui a coûté aussi cher.

3. -- Accepter un déficit de la balance des paiements courants: Ceci signifie importer davantage pour peser sur les prix en augmentant l'offre intérieure quitte à exporter moins. C'est ce qu'on vient de faire depuis le 2 janvier 1956: la déficit de la balance commerciale n'a cessé de croître; on laisse au gouvernement suivant le souci de le réduire, c'est tout. Mais, à peine de voir un jour les fournisseurs extérieurs refuser de fournir, il faut toujours, à un moment donné, réduire le déficit de la balance. Et quand on y est acculé, on ne peut le faire que par un appel à la planche à billets, c'est-à-dire par l'inflation.

4. -- Utiliser les réserves de change et recourir si besoin est aux emprunts extérieurs: Décidément, M. Robert-Mossé a du génie, car non seulement il conseille de ne pas payer nos fournisseurs des marchés extérieurs, mais encore de leur emprunter de l'argent. Le lecteur peut essayer de cette méthode chez l'épicer du coin s'il y a une ardoise: au lieu de la régler, qu'il le tape seulement de cent francs et il verra comme il sera reçu.

 Il reste que, même si l'opération pouvait réussir, l'emprunt extérieur -- comme l'emprunt intérieur -- augmente la dette publique des intérêts qu'il faut régler cash si on ne veut pas se couper tout crédit à soi-même. Et, à force d'emprunter ici et là, nous sommes arrivés à un joli résultat déjà.

5. -- Augmenter la production des biens rapidement utilisables: tout en réduisant les investissements publics et privés ainsi que le veur el second moyen proposé par M. Robert-Mossé qui n'en est pas à une contradiction près.

 J'ai entendu dire quelque part que le parti socialiste au pouvoir se proposait d'être « le gérant loyal des intérêts du régime ».

 Sur les conseils de M. Robert-Mossé, M. Ramadier est à la recherche de la rentabilité dans le cadre des structures actuelles et non pas à la recherche des moyens de les transformer au mieux: en se débarrassant de ce souci, le socialisme a trouvé le dernier moyen de se renier.

P.R.

 


[1]. Boite postale 4 -- Bruxelles 9.

[2]. Et non Convention ou traité, comme on l'a imprudemment écrit dans la presse française.


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