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FLEURS ET COURONNES

 

par Paul Rassinier

 

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Léon JOUHAUX est mort. Bossuet aussi. Et Mérimée de Colomba, et même Boris Vian, étouffé dans son berceau par les crachats qu'il envoyait sur des tombes imaginaires et qui lui retombaient sur le nez. En matière d'oraison funèbre, il faudra donc se contenter du traditionnel et sec Requiescat in pace.

Et tout sera mieux ainsi.

Ses obsèques ont eu lieu le dimanche 2 mai, en présence du président de la République ( M. Coty, ceci a son importance ) et du président du Conseil ( M. Joseph Laniel, ceci a aussi la sienne ) qui avaient tenu, tous deux, à venir s'incliner devant sa dépouille mortelle: j'ai entendu parler de gens qui avaient nom Griffuelhes, Pouget, Delessalle devant la dépouille mortelle desquels les présidents de la république et du conseil d'alors, ne sont pas venus s'incliner...

L'hommage exceptionnel qui était ainsi rendu aux restes de celui qui avait personnifié le syndicalisme pendant un demi-siècle avait d'ailleurs déjà pris tout son sens la veille 1er mai dans une toute petite phrase d'un communiqué ministériel: "le nombre des participants aux diverses manifestations du 1er mai en France est en nette régression par rapport aux autres années" disait le ministre de l'Intérieur. Et il ajoutait: "Dans un grand nombre de villes, les manifestation prévues n'ont pas eu lieu, faute de manifestants."

L'évidence sautait aux yeux: pour une fois, j'ai cru le ministre.

Et, rapprochant encore ces deux événements déjà concommittants, j'ai vu, tels deux gladiateurs antiques dans des arènes à l'échelle de l'Europe occidentale, le mouvement ouvrier blessé à mort, s'écrouler, sous un ciel d'orage, sur le cadavre de Léon Jouhaux, César qui avait personnellement jeté l'un contre l'autre n'ayant besoin ni de lever ni d'abaisser le pouce.

Les jeux terminés, César triomphant descendait dans l'arène, faisait écarter le corps du mouvement ouvrier par M. Martinaud-Desplats et déposait une couronne de lauriers sur celui de Léon Jouhaux.

Car tout avait été exceptionnel dans ce combat.

 

 

Thème central d'un tableau d'un sombre surréalisme, les 1er et 2 mai 1954 sont, dans mon esprit, le couronnement d'une litanie de dates fastes pour César, néfastes pour le mouvement ouvrier et qui dansent autour, la farandole finale d'un Sabbat de sorcières moyenâgeuses.

Août 1953! Il faut remonter jusqu'à cette date pour trouver un mouvement qui eût été susceptible de prendre des proportions et, par voie de conséquence, d'être efficace. La classe ouvrière était prête. Les fonctionnaires étaient prêts. Le mot d'ordre de grève générale illimitée courait dans les airs et avait même été lancé. Par malheur, la date était assez mal choisie, les mots d'ordre hasardeux: les cadres permanents de toutes les centrales syndicales sont facilement venus à bout du mouvement. Et César a triomphé: une fois de plus!

Depuis...

Depuis, il n'y a eu que des dates à noter pour mémoire:

9 novembre 1953: grève générale de 24 heures lancée par les syndicats autonomes de l'Enseignement. Le mouvement a réussi à 80-90 %. Le lendemain tout rentrait dans l'ordre et César triomphant, opérait la retenue d'une journée sur tous les traitements: c'était toujours ça!

Fin décembre 1953: grève générale de vingt-quatre heures lancée par les postiers C.G.T. La C.F.D.T. et la C.G.T.-F.O. ne s'y associent pas. Il a suffi qu'une infime partie du personnel s'y rallie pour créer des perturbations qui, adroitement exploitées, ont pu donner au mouvement l'apparence de la réussite. Vous et moi, nous avons pu être gênés, mais César, riant à gorge déployée, n'a eu qu'à retenir à nouveau une journée sur les traitements de ceux qui s'étaient laissés séduire.

20 janvier 1954: grève générale de 24 heures lancée par la C.G.T. Sur le plan des catégories, les fonctionnaires n'estiment pas devoir s'engager. Et, sur celui des tendances, pas davantage F.O., la C.F.T.C. et les syndicats autonomes. Les mots d'ordre n'arrivent qu'à peine jusqu'à ceux auxquels ils s'adressent: lamentable fiasco. César triomphe insolemment.

31 mars 1954: grève de 24 heures lancée par les syndicats autonomes de l'Enseignement. Les autres fonctionnaires ne sont pas prêts. La classe ouvrière n'est même pas informée. Le mouvement réussit à 90-95 %. Mais, le lendemain, tout rentre dans l'ordre, le gouvernement restant sur ses positions ou à peu près. Sourire sardonique de César opérant... les désormais traditionnelles retenues sur les traitements. Une institutrice me dit: "Je fais la grève pour avoir le droit de dire, sans être automatiquement accusée de jaunisse, qu'il ne faut pas la faire dans ces conditions."

28 avril 1954: grève générale de 24 heures décidée par la C.G.T. et la C.F.T.C de concert. La C.G.T.-F.O. n'y participe pas et invite ses adhérents à s'abstenir. Les raisons qu'elle donne sont aussi mauvaises que celles de la grève. Sur le plan des catégories, les fonctionnaires ne s'estiment pas intéressés et s'abstiennent. Le mouvement échoue lamentablement en dépit des perturbations habituelles qui résultent pour l'ensemble du pays, d'une participation, si faible qu'elle soit, de la S.N.C.F. et des P.T.T.

Un chassé-croisé, en somme.

Et les diverses catégories de fonctionnaires n'arrivant à se mettre d'accord ni entre elles, ni avec la classe ouvrière ou vice-versa, chacun court à la bataille en ordre dispersé, c'est-à-dire à la défaite qui, elle, est commune.

A la grande satisfaction de César.

Qu'il n'y ait pas de premier mai possible dans ces conditions, le lecteur le comprendra aisément.

Et même que, le 2 mai, sur le cadavre d'un des principaux auteurs de cette situation, César puisse sans risque aller déposer la couronne de lauriers, récompense posthume d'une victoire qui leur est commune.

 

 

On m'a souvent dit que j'avais une propension un peu trop marquée à me reporter aux textes et de préférences aux vieux textes qui sont généralement considérés comme périmés.

Précisément, j'en ai un sous les yeux: la charte d'Amiens.

Il aura bientôt cinquante ans, malgré quoi, il me paraît utile qu'il soit intégralement reproduit à la fin de cet article.

J'en détache deux paragraphes.

"Dans l'oeuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc...
"Mais cette besogne n'est qu'un côté de l'oeuvre du syndicalisme; il prépare l'émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste: il préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance sera, dans l'avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale."

Périmé, cela?

Seuls le peuvent prétendre ceux qui ont, à un tournant de leur vie, trouvé intérêt dans l'abandon de ces propositions si claires.

Malheureusement, on les a crus.

Je les ai d'ailleurs vu venir: ils ont commencé par battre en brèche la théorie de la grève générale pour abandonner aux moindres frais le deuxième paragraphe.

Du premier, il n'a été conservé que l'augmentation des salaires. Or, si en 1906, l'augmentation des salaires était une revendication substantielle dans la mesure où il était relativement facile de la faire prélever sur le profit, il n'en est plus de même aujourd'hui que le patronat a trouvé le moyen de la reporter sur les prix de détail par le moyen d'une législation appropriée. Mais ceux qui ont répudié la grève générale justifiée par les raisons du deuxième paragraphe n'en lancent pas moins, tour à tour, des grèves plus ou moins partielles pour des augmentations de salaires qui ne signifient plus rien.

Comprenne qui pourra cette étrange attitude que tout peut justifier ou expliquer sauf les raisons de la raison.

Je ne dis rien du cas qui a été fait de la coordination des efforts ouvriers posée en principe par la charte d'Amiens : la nécessité de reprendre en considération cette proposition d'une si brûlante actualité tombe sous le sens.

Comme, d'ailleurs, la charte d'Amiens dans son intégralité.

Depuis que ce texte a été écrit, en hâte, sur un coin de table, par Griffuelhes, Pouget, Delesalle et quelques autres, l'expérience a prouvé:

1°. -- Que, séparée de l'oeuvre d'ensemble du syndicailsme qui est statutairement encore la suppression du salariat, donc du patronat, l'action revendicatrice quotidienne à base de revendication de salaire n'avait plus de sens;

2°. -- Que les grèves partielles ou d'avertissement limitées à 24 heures ou non étaient sans effet autre que l'appel à une répression toujours prête à s'exercer sous les aspects les plus divers;

3°. -- Qu'en conséquence, seule la grève générale illimitée, c'est-à-dire jusqu'à complète satisfaction, était susceptible de produire l'effet recherché à condition de se justifier par des revendications visant la transformation des structures, cest-à-dire de l'ordre de l'abolition de l'ignoble législation qui permet au patronat de récupérer sur les prix de revient ce qu'il est contraint d'abandonner au salaire, de la suppression des impôts indirects, du raccourcissement des circuits de distribution, etc...

En conséquence de quoi et quitte à être traité peut-être de fossile, je reste fermement attaché à la charte d'Amiens dont la reprise en considération me paraît être la condition de la renaissance du syndicalisme.

Jouhaux étant mort, la voie est déjà un peu plus libre dans cette direction.

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LA CHARTE D'AMIENS
 
La C.G.T. groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du patronat.
Le congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe qui oppose, sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d'exploitation et d'oppression, tant matérielles que morales, mises en oeuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière.
Le congrès précise, par les points suivants, cette affirmation théorique :
Dans l'oeuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc...
Mais cette besogne n'est qu'un côté de l'oeuvre du syndicalisme ; il prépare l'émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste : il préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance sera, dans l'avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale.
Le congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d'avenir, découle de la situation des salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d'appartenir au groupement essentiel qui est le syndicat.
Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le congrès affirme l'entière liberté, pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de luttes correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander en réciprocité, de ne pas introduire dans les syndicats les opinions qu'il professe au dehors.
En ce qui concerne les organisations, le congrès décide qu'afin que le syndicalisme atteigne son maximum d'effet, l'action économique doit s'exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n'ayant pas, en tant que groupement syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre, en toute liberté, la transformation sociale.

 


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