DES PROMESSES AUX RÉALITÉS
par Paul Rassinier
Actualités
Il y a maintenant, des actes, des paroles, tout un comportement, qui permettent de mesurer le chemin parcouru depuis la campagne électorale et de situer le gouvernement de Front républicain dans son contexte politique.
A l'intérieur, il était entendu qu'on réformerait la fiscalité dans ses principes, qu'on accorderait trois semaines de congés payés à tous les travailleurs, qu'on supprimerait les zones de salaires, qu'on éleverait le S.M.I.G. et qu'on abrogerait la loi Barrangé, comme don de joyeux avènement. Au plan de l'Union française, on mettrait fin à la guerre en Afrique du Nord par la reconnaissance du fait national algérien (!) en sus d'une autonomie frisant l'indépendance au Maroc et en Tunisie. A l'extérieur enfin, on reprendrait résolument les thèmes du désarmement général.
Le gouvernement n'était pas encore constitué qu'on avait déjà perdu en route l'augmentation du S.M.I.G. et dans la première quinzaine de son existence on avait acquis la certitude qu'on ne viendrait pas si facilement à bout de la loi Barrangé. Quant à la reconnaissance du fait national algérien, on sait ce qu'il en est : 200.000 hommes, 200 milliards !
Je ne parle pas du reste : on sait ce qu'il en est de la réforme de la fiscalité et le voyage à Moscou du Président du Conseil et de son Ministre des Affaires étrangères, après le Congrès du Parti Communiste Russe, apparaît bien plus comme une invitation à la valse que comme un pas vers le désarmement général. L'autonomie de la Tunisie n'est pas une autonomie et l'indépendance du Maroc, pas une indépendance.
C'est l'éternelle histoire : parti à la conquête du Pouvoir, Guy Mollet a été conquis par le Pouvoir.
Comme Mendès-France en 1954[1].
« Le Trésor est à l'aise »
Depuis qu'il est ministre des finances, Ramadier a multiplié les déclarations, sinon optimistes, du moins rassurantes : il n'y aura, paraît-il, pas de dévaluation du franc.
Il n'est donc que de prendre date.
Avec la permission des augures, je rappellerai toutefois que, chiffré à 540 milliards par M. Pflimlin à son départ de la rue de Rivoli, le déficit budgétaire pour l'exercice écoulé, était estimé à 660 milliards par M. Christian Pineau.
Depuis, les mesures qui ont été prises au plan social par le gouvernement s'établissent approximativement à :
Congés payés et zones de salaires .................................... 15 milliards
Fonds national vieillesse .................................... 100 milliards
Détaxations diverses .................................... 30 milliards
Guerre en Algérie .................................... 120 milliards
Investissements (en Algérie aussi) ................................... 200 milliards
______________
Total........ 465 milliards
Comme les ressources correspondantes à ces dépenses nouvelles n'apparaissent nulle part, ces 465 milliards sont à ajouter aux 540 de M. Pflimlin ou aux 660 de M. Pineau selon qu'on a de la sympathie pour l'un ou pour l'autre.
Faisons une honnête moyenne et disons que le déficit de l'exercice en cours (par reconduction de l'exercice écoulé) tournera autour de 100 milliards.
Le déficit budgétaire global (pour les 10 dernières années) qui était de 4207 milliards à la fin de 1955, sera de 5200 milliards à la fin de 1956.
Bien sûr, la dévaluation du franc n'est pas fonction de la situation budgétaire seulement : elle dépend aussi beaucoup des incidences de la conjoncture mondiale sur l'économie française, en particulier de la solidité du sterling et de la prospérité américaine.
Or, voici qu'on parle, à Washington, d'une récession économique susceptible de retentir douloureusement sur le sterling et qu'indépendamment de cette récession, les financiers anglais les plus qualifiés pensent, qu'en tout état de cause, ils ne pourront pas maintenir leur monnaie à son cours actuel au-delà de juin-juillet.
Pauvre franc.
Et pauvre Ramadier !
D'un échec à l'autre
La tentative synarchique dont le ministère de M. Edgar Faure fut l'expression, ayant échoué le jour où les cinq grandes banques qui mettent la France et l'Europe occidentale en coupe réglée se retrouvèrent en opposition sur le problème de la dévaluation, l'épreuve de force devenait nécessaire. Telle est l'explication de la dissolution de l'Assemblée nationale et des élections anticipées dans la préparation desquelles se trouvèrent face à face :
- d'une part, Rothschild, Lazard et Worms, restés fidèles à la politique d'Edgar Faure.
- de l'autre, les banques américaines et l'équipe Gradis-Servan-Schreiber.
Les premiers ayant en mains le contrôle du marché des changes par Lazard, avaient tout loisir de se couvrir et étaient pour la dévaluation.
Le groupe Gradis-Servan-Schreiber se trouvant dans la situation inverse, était contre. Quand aux banques américaines, si dévaluation il devait y avoir, elles tenaient à la contrôler.
L'échec d'Edgar Faure a donc été celui de Rothschild-Lazard-Worms. Et c'est à l'astucieux Jean Monnet que le Front républicain doit en être reconnaissant, sa formule de relance européenne avec Guy Mollet (socialiste), Lecourt (M.R.P.), Maurice Faure (radical), Garet (indépendant), Pléven (U.D.S.R.), Bothereau (Force ouvrière) et Bouladoux (C.F.T.C.), ayant produit l'effet d'une botte imparable.
M. René Mayer, qui fut l'homme des Rothschild et qui est aujourd'hui celui des Rothschild et des Lazard, est parti à Washington pour essayer d'arranger les choses.
Il en est revenu au début du mois avec un large sourire.
Et, huit jours après, l'Express se sabordait.
Moralité : il y a une bonne trentaine d'années, pour les élections législatives de 1924, un journal avait vu le jour comme en 1955 l'Express : le Quotidien. On sait aujourd'hui que ce journal était né d'un dissentiment entre les Rothschild et les Lazard. Quand les Rothschild et les Lazard se furent mis d'accord sur le célèbre « franc quat'sous », ils inventèrent Poincaré et le Quotidien en mourut. On saura demain, ou dans quelques années, de quel accord passé entre M. René Mayer (au nom de Rothschild-Lazard-Worms) et les Banques américaines (dont l'agent pour l'Europe occidentale est M. Jean Monnet, ne l'oublions pas) est mort l'Express.
De toutes façons, l'équipe de relance européenne dont s'est entouré M. Jean Monnet, préfigure une majorité gouvernementale possible qui rend sans objet l'existence du Front républicain et, par voie de conséquence, de son journal.
Ici encore, prenons date.
« Le Pays du Sourire »
Pendant que M. Ramadier multipliait les déclarations rassurantes quant à l'éventualité d'une dévaluation monétaire (sans doute pour gagner le temps nécessaire aux banquiers du Front républicain pour se couvrir en devises ou en métal), Moscou était le théâtre d'un événement auquel nous n'étions pas accoutumés : le congrès du Parti communiste russe.
Manifestement, on a déboulonné quelques idoles, là-bas. Et on en a remonté quelques autres sur leur piédestal.
J'ai vu dans bien des yeux, des sourires de contentement et même de triomphe : là, vous voyez bien, les communistes ne sont pas ce que vous pensez, tout n'est pas perdu, de nouvelles perspectives s'ouvrent, etc...
Que le bolchévisme soit condamné à évoluer, personne n'en a jamais disconvenu : il n'a d'ailleurs jamais cessé d'évoluer et un peu dans tous les sens, de la collaboration à la résistance, par exemple.
Il reste seulement à établir que cette évolution nouvelle se fait dans un sens souhaitable et qu'elle est le résultat d'une démarche sincère de la pensée.
Personnellement, je persiste à penser qu'elle est commandée par les circonstances et particulièrement que la situation économique de la Russie ne lui permet pas de mener de front le soutien de la Chine et sa propagande dans le sein du groupe arabo-asiatique.
Alors, elle sourit à l'Europe occidentale dans le but de passer avec elle des marchés qui lui permettront de continuer à envoyer en Égypte des armes qui finissent leur carrière à Taza ou dans l'Aurès.
Politique bi-partisane
Guy Mollet a inventé un nouveau style dans la manière de gouverner.
Pour n'être pas en reste avec Pierre Mendès-France qui, lui aussi, en avait inventé un.
On a du génie ou on n'en a pas.
Voici comment se définit celui de Guy Mollet : à partir de dorénavant, on ne posera plus la question de confiance sans s'être au préalable assuré qu'on aura la majorité constitutionnelle.
Exemple : dans le débat sur l'Algérie, le Président du Conseil, avant de se rendre devant l'Assemblée, avait d'abord, entre les chefs de groupe de sa majorité, consulté, d'une part Jacques Duclos, de l'autre M. Pinay et jusqu'au poujadiste Vahé.
Le véritable débat s'est donc déroulé dans la coulisse.
Officiellement et au grand jour.
Les maquignonnages dans les couloirs ont, bien sûr, toujours été de règle au Parlement.
Jusqu'alors, cependant, on jetait pudiquement sur eux un large manteau de Noé.
Aujourd'hui, on ne s'en cache plus, et c'est toute la différence.
On détaxe !
Pour enrayer dans le domaine alimentaire, une flambée des prix que la vague de froid rendait inévitable, le gouvernement a « détaxé » les produits de première nécessité et décidé des importations d'Espagne, d'Italie et des Pays-Bas, c'est-à-dire rendu indispensable une politique de subventions déjà très lourdes pour le budget.
Sur ce point, tous les économistes de toutes les écoles sont d'accord : c'est un moyen détourné de procéder à la dévaluation de la monnaie.
La dévaluation à échéance.
Le plus drôle c'est que cette mesure ne suffit pas et que M. Ramadier a été obligé d'annoncer des impôts nouveaux qui retentiront inévitablement sur le coût de la vie et provoqueront l'inflation.
Dans le courant de février, l'indice des prix de gros a subi une hausse de 2,9 % et on prévoit que l'indice des prix de détail atteindra vers le 1er avril, la cote de 149,1 susceptible de déclencher le mécanisme de l'échelle mobile.
En bourse, le cours de l'or a repris sa marche ascensionnelle.
Et M. Villiers, Président du C.N.P.F. a mis le gouvernement en garde.
A force de détaxer et de retaxer, vous verrez que le Front républicain obtiendra des résultats.
OOOOOOOOOOOOOOOO
LE MOT DE LA FIN
par Paul Rassinier
M. Robert Servan-Schreiber s'étant, par le truchement du Canard Enchaîné, inscrit en faux contre mes allégations relatives aux intérêts de la famille en Indochine, j'avais naturellement adressé à Robert Treno la mise au point qu'on a lue dans le dernier n° de Défense de l'Homme, sous le titre « Les points sur les i ».
Bien entendu, qu'elle serait publiée comme l'avait été la protestation de M. Robert Servan-Schreiber.
Or, à mon grand étonnement, j'ai reçu la lettre suivante :
Il apparaît seulement que Robert Tréno et moi-même ne prenons pas le mot « présomptions » dans le même sens.
Et c'est vraiment dommage.
Car, ici, les « présomptions » se matérialisent dans les personnes de Mmes Geneviève Servan-Schreiber, Gros, Coblentz, Gradis et de M. Jean-Claude Servan-Schreiber, c'est-à-dire sur les propres enfants de MM. Robert et Émile Servan-Schreiber.
En ce qui les concerne, ma mise au point était suffisamment nette et précise et beaucoup de lecteurs de Défense de l'Homme- je les en remercie -- m'ont fait l'honneur de la trouver telle, et de m'en féliciter.
Elle était aussi suffisamment nette et précise en ce qui concerne MM. Robert Emile Servan-Schreiber.
Énumérer des Conseils d'administration auxquels appartiennent tous ces gens ? D'accord. Mais cette famille est remarquablement équilibrée : ceux qui écrivent et au besoin protestent, ne sont pas ceux qui font partie des Conseils d'administration.
En l'occurence, ce sont les maris des femmes qui font partie des Conseils d'administration : les Gros, les Coblentz, les Gradis, tous banquiers.
Et le petit Jean-Claude (qu'on trouve aux Moulins de Dakar, notamment).
Les autres hommes de la famille et plus particulièrement Émile et Jean-Jacques, défendent le beafsteck la plume à la main.
Dans des publications dont le financement est, comme c'était le cas de feu l'Express-Quotidien, assuré par les femmes, lesquelles ne sont d'ailleurs que les prête-noms de leurs maris : le mariage sous le régime de la séparation des biens n'est pas fait pour les chiens, le monde des Affaires, où il est la règle générale, le sait fort bien.
Voyez Pierre Mendès-France : il ne fait, lui non plus, partie d'aucun Conseil d'administration ! Mais sa femme née Cicurel, a, en Égypte des intérêts qui, au cours des émeutes qui ont abouti à la liquidation de Farouk, ont subi un préjudice à propos duquel le chiffre de 1.750 millions de francs a été prononcé sans être démenti (à ma connaissance, du moins).
Pour en revenir à l'Indochine et aux Servan-Schreiber, qui font l'objet de cette polémique, j'ai cité la Société pour le commerce avec les Colonies et l'Etranger et les Etablissements Maurel et Prom, contrôlés par Henri Gradis, mari de Bernadette Servan-Schreiber, laquelle préfigure en bonne place parmi les cinq fondateurs de l'Express-Quotidien.
Et réussit ce tour de force de n'être, aux yeux de Robert Tréno... qu'une simple présomption !
Décidément, je n'ai pas de chance.
Mais, Pan sur le bec, tout de même.
[1]. M. Paul Boncour ayant annoncé, au nom de la commission qu'il préside, qu'il était favorable à un concordat avec le Vatican pour ramener la paix scolaire, il est probable que Guy Mollet est en train de préparer, lui aussi... une visite au Pape !
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