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De la suppression des gabelles


par Paul Rassinier

 

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J'étais en Allemagne quand le vent de la grève s'est si soudainement mis à souffler sur la France et, quand je suis rentré, il était tombé.. C'est donc à travers les journaux allemands que j'ai suivi le mouvement. Et comme ils n'étaient ni très chauds, ni par conséquent très prolixes, comme, d'autre part, à mon retour, j'ai trouvé dans les journaux français les interprétations les plus diverses et les plus contradictoires, je n'ai de ce mouvement qu'une opinion assez floue. J'eusse donc préféré attendre pour en parler. Mais l'ami Lecoin a des exigences et il se trouve que, par un fâcheux hasard, ces exigences se tournent vers moi qui, paraît-il, ai paressé pendant presque tout l'été.

Le dernier article que j'ai publié dans cette revue (numéro de fin juin) dit assez que je ne m'attendais pas à un mouvement d'une telle ampleur et surtout à une époque de l'année où les vacances jouent contre toute entreprise révolutionnaire. Tout ce qu'ils ont écrit depuis prouve que les chefs syndicaux, à quelque tendance qu'ils appartiennent, et les hommes du gouvernement, eux non plus, ne s'y attendaient pas. Dans les rares et courts entrefilets qu'ils ont consacrés à ce mouvement, les journaux allemands et particulièrement ceux des sociaux-démocrates et des syndicalistes ont traduit cette impression pour leur public. Et les journaux français de toutes les nuances m'ont paru, tout recoupements faits, la confirmer.

Ces derniers, cependant, sont susceptibles d'inspirer deux ordres de réflexions, selon que l'on considère ceux qui sont au service du gouvernement et des classes dirigeantes, ou ceux qui font profession d'être au service de la classe ouvrière.

Et, en dépit qu'on se puisse proclamer heureux de ce sursaut de colère, parti contre tout espoir, d'un peuple bafoué avec un tel esprit de système et sans vergogne, ces deux ordres de réflexion convergent dans une certaine amertume.


Les caractéristiques du mouvement

Il est parti d'un noyau de militants du rang de F.O. dans les services publics, à Bordeaux. A Paris, les dirigeants confédéraux de F.O. ont d'abord été effrayés, puis ils se sont laissé porter par le courant qui a progressivement gagné les services publics de toute la France, puis le secteur privé. J'ai lu quelque part qu'il y eut quatre millions de grévistes sur les quelque 13 millions de salariés que compte le pays.

Le mot d'ordre était à peu près partout le même: sous des formes diverses, une revalorisation du pouvoir d'achat soit par révision de l'échelle des indices, soit par l'octroi d'indemnités à certaines catégories. Ce mot d'ordre s'inspirait visiblement de la décision gouvernementale de refondre le régime de toutes les retraites dans un sens désavantageux pour les intéressés alors qu'une indemnité supplémentaire mensuelle de 25.000 fr. venait d'être octroyée aux conseillers d'Etat et aux députés, avec effet rétroactif à dater du 1er avril. Or, les députés et les conseillers d'Etat gagnaient déjà 150.000 fr. par mois et on conçoit aisément qu'aux yeux des facteurs dont je me suis laissé dire qu'ils débutaient aux environs de 17.000 fr. par mois, cette mesure ait été une provocation. Mais...

Quant au moment choisi, on ne peut pas dire qu'il ait été heureux: au mois d'août, tous les fonctionnaires de l'enseignement sont en vacances et c'était se priver de l'appui de tous ceux qui, dans les autres services, étaient également en vacances. Enfin, c'était par avance renoncer à gagner au mouvement le secteur privé, la grève ne pouvant être envisagée avec beaucoup de chances de succès à une époque de l'année où l'activité est réduite dans tous les domaines de la production.

J'entends bien que le coup a porté, mais je n'en professe pas moins que les temps ne sont plus où on peut se payer le luxe d'une grève qui n'entraîne l'adhésion que de 4 millions de travailleurs sur 13, sur des mots d'ordre de revalorisation des salaires: l'heure est de nouveau à la grève générale et c'est le régime dans ses structures fondamentales qu'il faut mettre en cause. Hors cela, il n'y a plus de salut!


Vanité de la revalorisation des salaires

Au début du siècle, la bourgeoisie unie sur le terrain politique était assez divisée sur le terrain économique. Elle n'avait pas encore pensé à créer la Confédération générale du patronat français: les conquêtes coloniales lui offraient des débouchés qu'elle se disputait par la concurrence et elle ne sentait pas le besoin de s'unir. Le profit était à peu près illimité, les entreprises étaient rentables et, par voie de conséquence, la législation économique et surtout commerciale était inexistante ou quasi. On pouvait donc concevoir une grève se soldant par une augmentation du pouvoir d'achat, c'est-à-dire une augmentation des salaires ou traitements sans répercussion sur le coût de la vie. De fait, c'est ce qui se passait: le combat était beaucoup plus dur à mener contre un pouvoir politique et économique plus autoritaire, dans une société dont l'armature plus solide était moins menacée et, parallèlement à une répression souvent sauvage, la grève se soldait généralement par quelques menues améliorations. Et le pain, la viande, le lait, le beurre, etc. restaient au même prix. Les grèves étaient partielles et locales, leurs résultats aussi. Bien sûr, la grève dans un endroit l'encourageait dans un autre, mais il fallait plusieurs années, et que tous les travailleurs du pays aient été séduits par elle et pour que tous les résultats heureux partiels se traduisent dans les prix qui étaient déjà nationaux quoique sans législation.

Rien de tout cela ne se conçoit plus aujourd'hui: les revendications ne s'expriment plus que par catégories sur le plan national et les avantages obtenus par une catégorie nationale s'étendent dans les semaines qui suivent aux autres catégories. Dans le même temps, les textes en vigueur traduisent en inconvénients ces avantages dans les prix. On a même observé de façon à peu près constante que toutes les augmentations des prix se faisaient régulièrement en deux temps: une première fois en prévision d'une augmentation des salaires qui menaçait et une seconde, l'augmentation des salaires étant consacrée dans les textes. (Si on tient compte que, dans leur période d'ascension, les prix mondiaux se répercutaient eux aussi en deux temps dans les prix nationaux, on peut mesurer l'étendue des dégâts et combien c'est peu dire que quand les salaires montent par l'escalier, les prix empruntent l'ascenseur!)

Il est donc vain de se cantonner comme avant 1914 dans des revendications à base d'augmentation des salaires si on sait que ce qui est accordé sous la forme salaire est automatiquement repris - avec usure! - par le moyen des prix et seul un mouvement syndical sclérosé peut se contenter de continuer ce petit jeu. La vanité de l'opération apparaît encore mieux si on veut bien convenir que les avantages accordés au secteur privé se répercutent automatiquement dans le secteur public, nécessitant l'augmentation des impôts, troisième facteur d'augmentation des prix dans un régime où le système fiscal est essentiellement indirect.

Il faut donc trouver autre chose.

Autre chose, c'est entendu, mais quoi?

 

Les gabelles

Dans la révolution de 1789, la gabelle, ou impôt sur le sel, a joué un rôle important. C'était un impôt indirect et c'était pour ainsi dire le seul qui affectait terriblement les pauvres gens. La révolution l'a supprimé: aujourd'hui, la gabelle existe sur tout ce qui se consomme: dans l'assiette des impôts, le prélèvement directement relié au degré d'aisance entre pour à peu près un quart, et la gabelle est étendue à tout pour le reste. Sous cet angle, on a fait une révolution pour rien et la bourgeoisie a repris, à son bénéfice, les prérogatives de l'ancienne noblesse et du clergé. C'est avec la gabelle généralisée qu'on paiera l'augmentation de 25.000 fr. par mois accordée aux conseillers d'Etat et aux députés et c'est encore à elle qu'on aura recours pour payer les quelques centaines de francs mensuels qui seront accordés incessamment et à tour de rôle aux facteurs et aux catégories les plus défavorisées.

Il faut qu'un gouvernement soit totalement dépourvu de sens pour penser qu'envisageant de réaliser ces augmentations si maigres soient-elles, il pourra en même temps pratiquer une politique de détaxation et le fait qu'il l'envisage publiquement prouve à quel point il a perdu la tête: on ne peut pas diminuer les recettes de l'Etat et augmenter ses dépenses. Les deux opérations sont irréductiblement contradictoires et inconciliables.

Bien sûr, il y a l'opération rêvée par M. Mendès-France et qui consisterait à diminuer les dépenses militaires pour augmenter les dépenses civiles. Je ne nie pas que jusqu'à épuisement total on puisse transférer la totalité des dépenses militaires au civil mais cela nécessite une autre politique extérieure et, manifestement, on ne s'oriente pas vers une politique de paix totale à la fois vis-à-vis de la Russie [note 1: La Russie non plus ne s'oriente pas vers la Paix et c'est comme une entente tacite entre les dirigeants des différents pays adhérents ou non à l'O.N.U] et vis-à-vis des peuples coloniaux ou sous mandat. Il n'y a donc pas grand-chose à espérer de ce côté dans l'immédiat. Je dis bien: dans l'immédiat car ceci n'est pas une profession de foi, mais une constatation inspirée par le fait que c'est dans l'immédiat qu'il faut trouver une solution de principe.

Cette solution, je la vois bien dans la suppression de toutes les gabelles, assortie d'une révision de l'impôt direct: en Allemagne, d'où je viens, un professeur de lycée qui gagne 950 marks par mois paie 210 marks mensuels d'impôts directs retenus à la source. Mais les impôts indirects sont très faibles et, pour toutes les catégories, la vie est approximativement 20% moins chère parce que le pourcentage des commerçants dans la population y est beaucoup plus faible et plus court le circuit qui conduit les richesses du producteur au consommateur. Le même phénomène s'observe en Angleterre, en Amérique et dans tous les pays du monde ou à peu près. La France est probablement le pays où le circuit est le plus long avec les marges bénéficiaires les plus larges. Seulement, en Allemagne, en Angleterre, en Amérique et ailleurs, c'est l'impôt direct qui entre pour la plus grande part de l'assiette générale de l'impôt. Et ce sont les grosses fortunes qui sont les plus frappées: en France, c'est en proportion de ce qu'on mange qu'on paie l'impôt.

En premier lieu, réforme fiscale, donc.

Opérée dans les sens que j'indique, il ne sera besoin d'aucun décret pour que le circuit de la distribution se raccourcisse: tous ces boutiquiers qui encaissent l'impôt chez le consommateur et qui ne le reversent pas dans les caisses de l'Etat perdront automatiquement le bénéfice de la fraude qui est leur seul moyen d'existence et se supprimeront d'eux-mêmes.

En conséquence de quoi l'Etat pourra se passer des services d'un certain nombre de gabelous!

En conséquence de quoi aussi le combat pacifiste sera beaucoup plus clair et plus susceptible de résultats heureux.

A bas toutes les gabelles!


Les moyens

Après ce qui précède, point n'est besoin de s'étendre longuement sur les moyens à employer pour arriver à ce but: il n'en est qu'un, la grève générale.

Je sais: le mot d'ordre de la grève générale est considéré comme étant d'un autre siècle et c'est précisément le drame. Mais les classes dirigeantes étroitement unies sur le plan économique par le truchement du C.N.P.F. se moquent éperdument de la grève partielle tournante ou non, qu'elles arriveront toujours à vaincre sinon en la détournant de son sens, du moins en anéantissant ses effets au moyen de la législation économique en vigueur. Par ailleurs, la classe ouvrière éternellement vaincue par l'absence d'initiative de ses leaders, risque de se trouver un jour mûre pour l'aventure. Nous souffrons terriblement du manque d'éducation syndicale qui a été la caractéristique essentielle de ces trente dernières années. Elle vient de se mettre en grève dans la proportion d'un tiers contre le voeu de ses leaders, pour une amélioration de son niveau de vie; un jour peut venir où, en l'absence d'une orientation claire, on quittera le boulot en ordre dispersé, derrière des mots d'ordre divers ou contradictoires et où le plus fort en gueule réussira la canalisation du mécontentement général dans un sens diamétralement opposé à ses intérêts.

L'aventure est au coin de la rue et les classes dirigeantes l'ont bien senti dont tous les journaux apeurés conseillent de lâcher du lest ou de faire semblant.

Dans une telle situation, il ne suffit plus que F.O. considère comme une victoire d'avoir réussi à prendre en mains la direction des opérations contre la C.G.T. et le Parti communiste. Une victoire de ce genre aurait un arrière-goût de défaite si elle n'était suivie à bref délai d'une proposition claire du genre de la grève générale pour une refonte complète des structures et plus particulièrement de la réforme de la fiscalité assortie du raccourcissement du circuit de la distribution.

Mais voilà: la plupart des dirigeants syndicaux qui ne sont pas influencés par le Parti communiste, professent qu'un tel mot d'ordre est d'essence politique et refusent de la promouvoir au nom de l'indépendance syndicale.

C'est encore une raison de plus pour moi de souligner à quel point le mouvement ouvrier français est doctrinalement en retard sur le mouvement ouvrier allemand si éprouvé au cours de ces dernières années et c'est sur cette constatation que je terminerai: le 15 août, à Bielefeld, sur la même affiche qui proclamait l'indépendance du mouvement syndical, le D.N.B. (centrale unifiée des syndicats allemands) et S.P.D. (Parti social-démocrate) invitaient la classe ouvrière à une grande manifestation de protestation contre la politique du chancelier Adenauer.

J'ai assisté à cette manifestation: pas une dissonance! Personne n'a pensé que le D.N.B. était asservi au S.P.D. ou vice-versa [note 2: Pourtant, s'il est un pays où le syndicalisme a été asservi par le parti socialiste c'est bien l'Allemagne. Tant mieux si, depuis lors, il y a quelque chose de changé outre-Rhin. - La Rédaction]. Et si je la cite en exemple, ce n'est pas pour son contenu ou son sens qui étaient l'un et l'autre assez peu significatifs, hormis d'une certaine mièvrerie, mais pour montrer qu'en Allemagne on trouve naturel qu'un mouvement syndical et un mouvement politique puissent se rencontrer dans une action concertée.

En France, ils font grand cas de leur indépendance mutuelle qu'ils claironnent dans tous les azimuths (voir le communiqué de F.O. renonçant à la convocation du Parlement) mais les syndicalistes accrédités prennent leurs consignes qui au Parti communiste, qui au Parti socialiste, au M.R.P. ou au R.P.F. et sont tous des politiciens dans la coulisse, c'est-à-dire au sens le plus méprisable du mot.

Qui nous sortira de là?

 

 


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