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LA RACAILLE 

par Paul Rassinier

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Défense de l'Homme, numéro 108, octobre 1957, p. 3-8.

 

 J'ai sous les yeux le n° de septembre d'une petite revue mensuelle d'extrême-droite, Lectures française[1]. Il s'ouvre sur un article de Henry Coston[2], « Les Girouettes de la presse ».

 En soi, cet article n'a rien de sensationnel. Sa conclusion est en particulier décevante et il est fort incomplet. Il donne cependant un certain nombre de renseignements sur les principaux maîtres à penser de notre époque, notamment sur leurs antécédents. Son mérite est d'avoir rassemblé en un paragraphe rédigé en style télégraphique, l'essentiel d'une trentaine de curriculum vitae qui se trouvent disséminés dans cinq ou six numéros du Crapouillot, le livre d'Orion, celui de Jean Maze, etc.

 On y apprend ou on s'entend rappeler que des gens comme Pierre Drouin, Maurice Duverger, Marceau, Yves Florenne, aujourd'hui collaborateurs du journal Le Monde l'étaient autrefois, le premier de Drieu la Rochelle, le second de Doriot, le troisième de Marcel Bucard.

 Qu'avant d'être l'éditeur du mandésisme, René Julliard fut celui du pétainisme.

 Que M. Guillain de Bénouville, l'actuel collaborateur de M. Bloch Dassault, était sous l'occupation le rédacteur en chef de la feuille antisémite, Le Pays libre.

 Que Claude Roy de Libération, Morvan Lebesque et R. Tréno du Canard enchaîné, tous trois farouches résistants -- du moins à ce qu'ils ont dit après 1944! -- et épurateurs sans pitié, écrivaient, les deux premiers dans Je suis partout, le troisième dans la feuille maréchaliste Compagnon où il était voisin de colonne de Pierre Courtade (aujourd'hui à L'Humanité) et de Pierre Corval (de la R.T.F.).

 Que M. Bérard-Quélin, homme important du Parti radical valoisien, était, à la même époque (1941-44) directeur de la Correspondance de presse après avoir été, jusqu'en 1941, secrétaire général de La France au Travail.

 Qu'avant d'être engagé par M. Pierre Lazareff, Mme Carmen Tessier, la commère de France-Soir avait travaillé pendant toute l'occupation à Paris-Soir sous la direction de P.A. Cousteau.

 Etc., etc.

Jean Quéral, l'auteur du célèbre Bottin de la presse collaborationiste (à l'usage du parfait épurateur, dit M. Henry Coston) travaillait, sous l'occupation, à l'agence Inter-France sous le nom de Jean Dormeuil.

 L'économiste Bouvier-Ajam (rédacteur aux feuilles communistes Ce soir et Action en 1945-46), Bernard de Plas, l'actuel distributeur de publicité à la presse communiste, René Richard (de la C.G.T.- F.O.), Roget Paret (de France-Oservateur), furent, le premier rédacteur de France (la revue de l'État nouveau sous Pétain), le second, un des soutiens de la presse doriotiste, le troisième dirigeant des jeunesses patriotes sous Taittinger et leader de l'antisémitisme et de l'antisocialisme dans le journal Le National. Le quatrième enfin fut, pendant quelque temps, l'un des rédacteurs les plus en vue de... la feuille monarchiste l'Indépendance Française.

 Il n'est pas jusqu'à M. Alfred Sauvy, Directeur de l'Institut de la population sous la IVe République et collaborateur de l'Express qui n'ait été Directeur de l'Institut de Conjoncture sous Vichy et à M. Joliot Curie (!!...) lequel aurait signé, en compagnie de Maurras, Madelin, Bernard Fay et René Benjamin, un gros volume d'inspiration maréchaliste publié par Julliard en 1943.

~

 La liste de M. Henry Coston est limitée aux gens qui ont été collaborateurs sous l'occupation, épurateurs à la Libération et, parmi eux, bien qu'elle néglige François Mauriac, à ceux qui naviguent dans les eaux troubles de ce qu'on appelle la gauche.

 On en trouve autant à droite: feu Claudel, Pierre Brisson, Pierre Gaxotte, Thierry Maulnier, etc.

 « On pourrait sans peine allonger cette liste » dit l'auteur.

 Je pense bien!

  « Mais à quoi bon, ajoute-t-il, et qu'est-ce que cela prouverait? Que beaucoup d'écrivains sont versatiles? Nous le savons bien. que certains journalistes mettent leur plume au service de ceux qui acceptent « leur copie » et la leur paient bien? C'est ainsi depuis Renaudot. Alors? Pourquoi s'en étonner? »

  C'est ici que nous ne sommes plus d'accord.

 D'accord, il n'y a pas que des journalistes et des écrivains à faire figurer sur cette liste: il y a aussi des députés, des ministres, des fonctionnaires d'autorité, des militaires, des policiers, des chefs d'industrie… Celui qui a été payé en 1943 pour construire le mur de l'Atlantique et payé en 1945 pour le démolir, ceux qui ont construit des avions ou fabriqué des munitions pour les armées américaines ou anglaises après en avoir fabriqué pour l'armée allemande, le maréchal Juin qui a commandé sous Pétain et Eisenhower avec la même conviction et la même tranquillité d'esprit, les procureurs généraux Cavres ou Mornet, ne méritent pas moins d'être cloués au pilori que tel pauvre bougre qui a réclamé en 1945 dans le Canard enchaîné ou Libération, les têtes de ceux que ses articles de Compagnon ou de Je suis Partout avaient séduits en 1943. Et Paul Boncour? Et Herriot? Et Jeanneney?

 A quoi bon, allonger la liste?

 Il faudrait au contraire dresser un inventaire de toute cette racaille qui est toujours du côté du manche, dont la vocation semble être de donner des leçons de morale ou de jouer les directeurs de conscience de l'opinion sous tous les régimes, mais dont les seuls impératifs moraux sont la faim ou la trouille, c'est-à-dire les deux extrémités du tube digestif.

 Parce que, s'il est exact que notre ennemi c'est notre maître, il ne l'est pas moins que notre pire ennemi c'est le domestique de notre maître.

 Un maître, c'est quelqu'un qu'on connaît, sur les intentions de qui on est fixé, qui ne vous prend pas en traître parce qu'on s'attend à tout de lui. Et un ennemi qu'on connaît, c'est bien moins dangereux.

 Son domestique, par contre, on ne le connaît jamais. Parce qu'il est pris parmi nous, nous sommes toujours tentés de le croire de la même essence que nous, de faire fonds sur lui, de l'associer à nos rêves et à nos combats. Rien n'est, à la fois, ni plus faux ni plus téméraire. Le domestique est d'une essence particulière. Il a besoin d'un maître et il n'éprouve jamais que le besoin d'en changer. Prêt à Dieu comme à César, les changements de maîtres indépendants de sa volonté ne le prennent jamais au dépourvu. Il est toujours prêt à passer de l'Émancipation nationale (de Doriot) au Monde, de l'Indépendance française à France-Observateur, de Compagnon ou de Je suis Partout à Libération ou au Canard enchaîné.

 Ceux-ci sont gens instruits et, dans la plupart des cas, abondamment parcheminés? D'accord. Mais l'instruction et la culture ne font rien à l'affaire. C'est un problème de moralité. Et valet de plume ou valet de chambre, c'est la même mentalité.

 On me dira qu'au cours d'une vie, les opinions peuvent changer au hasard des circonstances.

 Toujours d'accord: l'homme absurde est celui qui ne change jamais.

 Mais si ceux-ci sont méprisables, ce n'est pas parce qu'ils ont changé d'opinion: c'est cette imperturbabilité avec laquelle ils disent ou font le lendemain le contraire de ce qu'ils disaient ou faisaient la veille, cette prétention qu'ils ont à morigéner toujours, à faire la leçon en toutes occasions et à punir jusque par l'assassinat ceux qui continuent à défendre aujourd'hui leurs opinions d'hier.

 Et c'est cela qui définit la racaille.

 Je ne demande pas qu'on supprime la racaille: la montrer du doigt suffit à la rendre inoffensive et à priver le maître de son meilleur atout.

 

∞∞∞∞∞∞∞

 

 En matière de caméléonisme, les événements de l'occupation et de la libération, dans la mesure où ils mettaient la vie en cause, ont déterminé un mouvement de retournements successifs et spectaculaires d'une très grande ampleur. On les cite souvent parce qu'ils sont encore très proches de nous, mais aussi parce qu'ils sont les plus probants de notre époque.

 Il est d'autres retournements qui sont passés et qui passent encore inaperçus parce qu'ils se sont produits dans des périodes plus calmes et moins dangereuses.

 Qui se souvient ou qui a remarqué qu'un des plus beaux fleurons du radicalisme traditionnel puis du mendésisme, Me Moro-Giafferi, fut longtemps un des leaders du bonapartisme? Et qui sait aujourd'hui que le progressiste d'Astier de la Vigerie fut un antisémite d'une rare violence jusqu'aux années qui ont immédiatement précédé la guerre? Et Clemenceau, maire extrémiste de Montmartre en 1870, chef du Bloc national en 1919? Et l'Arlequin du bolchevisme Cachin? Et l'ex-jésuite Florimond Bonte?

 Au niveau de célébrités moindres et de l'actualité, on rencontre à tous les coins de rues, des secrétaires de Fédérations ou de sections communistes ou socialistes dont les convictions politiques sont sans cesse « nuancées » par les circonstances et qui, dans leur parti, sont toujours du côté de la direction, ses prises de position sur les événements fussent-elles les plus contradictoires et les plus inattendues.

 C'est devenu un jeu de blaguer les tournants du Parti communiste. Ceux du Parti socialiste, de l'internationalisme prolétarien au nationalisme forcené, du pacifisme à la guerre d'Algérie, de l'anticolonialisme de principe au colonialisme par précaution, ne sont pas moins sensibles quoique moins décriés et moins ridiculisés.

 Ce sont cependant les mêmes militants qui défendent successivement, avec la même ardeur et la même conviction apparente, ces positions contradictoires.

 Personnellement, je connais un nombre impressionnant de secrétaires fédéraux, de députés, de sénateurs, de ministres du Parti socialiste -- dont Daniel Meyer et Guy Mollet! -- qui, en 1944-45, étaient prêts à constituer un Parti unique avec les communistes[3] et qui, aujourd'hui, réclament leur mise hors-la-loi, leur emprisonnement ou leur mort.

 L'esprit de parti, dit-on, mais cette appréciation ne résiste à l'examen que si, au préalable, on identifie le parti avec son chef, ce qui est une curieuse interprétation de la démocratie. En 1944-45, Blum était le chef; en 1957, c'est Guy Mollet qui est le chef…

 En somme, ceet esprit de parti se résume à prendre le parti du chef en toutes circonstances, quoi qu'il dise ou fasse et quel qu'il soit.

 En réalité, ce n'est pas d'esprit de parti qu'il faut parler. Nous nous retrouvons, ici, face à face avec le besoin d'avoir un maître qui, par dessus tout, caractérise la gent servile. Qu'il s'agisse d'un maître à penser ne change pas les données du problème.

 J'ai récemment assisté à une conférence de M. Gaston Berger[4], un de nos plus réputés spécialistes de la caractérologie. Cet homme éminent prétend que le juge, le prêtre, le soldat et le politicien sont des ratés[5]. Prédisposés à vivre dans la dépendance et y vivant effectivement, ils éprouvent à la longue, paraît-il, le besoin d'avoir à leur tour des inférieurs à juger, à catéchiser ou à commander. C'est une sorte de penchant à jouer un rôle qui les pousse, un refoulement qui cherche à se libérer[6], et M. Gaston Berger dit que ce penchant ou ce refoulement s'extériorisent dans la manie de l'exhibitionnisme. Un exhibitionnisme particulier, cependant, car, totalement dépourvus de personnalité, ils n'exercent jamais leurs exploits que dans l'ombre d'un maître et comme abrités sous son aile. Ça donne l'adjudant aux armées, le commissaire ou le juge dans la police et la magistrature, l'abbé en religion et les prévôts en prison. Ceux qu'on remarque le plus sont ceux qui ont choisi la politique et qui nous abordent dans la rue pour nous confier avec des airs entendus que Guy Mollet leur a dit… que Thorez ou Duclos leur ont écrit… que Mendès-France leur a personnellement confirmé… ou qu'ils tenaient tel renseignement inédit d'un préfet ou d'un ministre de leur amis.

 Ne nous y trompons pas: ils briguent un mandat électif et ils ne font que soigner leur popularité dans les milieux où ils évoluent. Leurs convictions ne les embarrassent pas: ils en ont de rechange qui leur sont fournies par le maître à penser qu'ils servent et qui leur vient des circonstances.

 Ils sont peu nombreux, heureusement, dit M. Gaston Berger, on ne les prend tout de même guère au sérieux et c'est pourquoi les partis politiques sont si peu peuplés et d'une population sans cesse changeante: les gens sérieux ne font jamais que s'y fourvoyer temporairement.

 M. Gaston Berger parle un langage trop académique pour les classer, comme moi, dans la racaille ou dans la lie de la population: c'est pourquoi il les appelle seulement des ratés, quel que soit leur degré d'instruction ou de culture.

 Je ne chercherai pas de chicane à M. Gaston Berger: en gros son raisonnement se soutient. Je pense néanmoins que, si peu nombreuse que soit la gent servile, exhibitionniste et dispensatrice de leçons parfois sanguinaires, elle suffit à assurer, dans la nation, la prépondérance de ces partis pourtant squelettiques et qui ne sont que des passoires.

 Le premier souci de notre époque me semble donc être d'établir une ligne de démarcation visible entre l'homme de conviction et le domestique aux opinions interchangeables, animé seulement du désir de parvenir ou d'améliorer sa situation dans l'ombre de nos maîtres.

 Entre la racaille et les gens sérieux.

 

OOOOOOOOOOOOOOOOO

 

 La crise

 La crise ministérielle a dominé la vie politique française durant tout le mois d'octobre. Comme à l'accoutumée, elle a été pensée et sera résolue comme toutes celles qui l'ont précédée. Elle dépassait cependant de beaucoup le caractère d'une simple crise ministérielle. Cette fois, elle était le contre-coup d'un ensemble d'événements dont le théâtre était non seulement la France mais le monde entier.

 Les trois principaux de ces événements furent, par ordre d'importance, l'ère de récession économique dans laquelle semblent être entrés depuis peu les États-Unis, le congrès du R.D.A. de Bamako et la politique algérienne du gouvernement de M. Bourgès-Maunoury.

 En réalité, vus de Paris, ces trois événements interfèrent entre eux et convergent dans le marasme politico-économique français qu'ils consacrent.

 A supposer que les États-Unis aient continué à nous consentir les centaines annuelles de millions de dollars et quelques autres menus avantages financiers, point n'eût été besoin de parler de cote en juin et M. Guy Mollet n'eût pas chuté. On a souvent dit que, s'ils nous avaient supprimé toute aide c'était pour faire pression sur la France en ce qui concerne sa politique algérienne. C'est exact. Mais le discours du Président Eisenhower à la réunion du fonds monétaire international à Washington a laissé percer une autre vérité: la nécessité pour les États-Unis comme pour le reste du monde de lutter contre l'inflation et le renchérissement intérieur de la vie. Les États-Unis sont eux-aussi à court de souffle et ils en sont au point où ils doivent réviser leur programme d'aide à l'étranger dont la France, en raison de sa politique algérienne devait être la première victime.

 La France leur coûtait très cher.

 Peut-être est-ce pour cela que, depuis Suez ils ont fait porter tous leurs efforts sur la Tunisie, le Maroc et l'Afrique Noire.

 Ainsi s'expliquent les décisions du Congrès du R.D.A. de Bamako: l'Afrique Noire, à son tour s'en va, attirée qu'elle est, comme la Tunisie, le Maroc et l'Algérie, par le métropolisme américain.

 Les États-Unis auront la France à l'usure et par la bande. Le fédéralisme mis en avant par les représentants des populations de notre empire colonial n'est qu'un mot destiné à masquer un premier pas -- d'ailleurs légitime -- vers l'indépendance. Le jour où l'ensemble africain sera doté d'un législatif et d'un exécutif, on aura beau proclamer qu'il reste partie de l'Union française politiquement parlant: économiquement, c'est avec les États-Unis qu'il fera des échanges parce qu'il aura la possibilité de les faire à des prix bien plus avantageux que les prix français.

 Et cela, personne ne pourra l'empêcher.

 

Amérique 1957

 Depuis 1953, date de sa dernière crise, l'Amérique semblait vivre dans l'insouciance consécutive à la facilité avec laquelle elle était sortie de l'impasse.

 Les économistes, cependant, notaient dans l'indifférence générale, une hausse des prix continue depuis octobre 1956 et qui atteignait environ 78 % ces temps derniers.

 Parallèlement, une réduction de 4 milliards de dollars au chapitre des dépenses militaires, conduisait au licenciement de 300.000 ouvriers travaillant pour leur défense nationale. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, les mille plus grandes entreprises du pays s'annonçaient en recul de 29 % sur l'année dernière au chapitre des investissements. Le marché de l'automobile, de l'ameublement, des appareils ménagers est en régression. Les automobiles dont la vente est en recul de 800.000 unités sur l'année dernière, se vendent au rabais sur les prix officiels, disent les journaux.

 On ne peut pas parler d'une crise de l'importance de celle de 1931, bien sûr. Mais tout cela indique une récession qui sera peut-être plus importante que celle de 1953 et plus difficilement surmontable.

 Un indice: on a beaucoup parlé du Spoutnik ou bébé-lune durant le mois d'octobre et on a noté, à son propos, l'avance prise par les Russes sur les Américains dans le domaine des satellites artificiels. Cette avance est certaine. On aurait cependant tort de la situer dans le domaine scientifique où les Américains disposent d'autant de connaissances que les Russes et peuvent en faire autant sinon plus. Elle n'existe que dans le domaine de la réalisation où les Américains se sont laissé distancer seulement parce qu'ils avaient lésiné sur les crédits accordés aux savants qui travaillent pour eux.

 Or, pour qu'ils aient lésiné dans un secteur qu'ils considèrent toujours comme primordial, il faut vraiment qu'ils y aient été financièrement obligés.

 C'est le signe que la récession qui s'annonce et qu'a traduite Eisenhower dans son discours au Fonds monétaire international est aussi grave qu'inattendue.

 Et non seulement pour eux: la politique déflationniste dans laquelle ils viennent de s'engager aura des répercussions dans le reste du monde atlantique en ce sens qu'ils n'y achèteront plus rien, et que, progressivement le marché américain se fermera aux exportations de tous leurs alliés.

 A commencer par les Français et les Anglais, naturellement!

 

La balance commerciale

 Aux dernières nouvelles, notre déficit commercial pour les neuf premiers mois de 1957 dépasse de 65 % celui des neuf mois correspondants de l'année dernière.

 La dévaluation Gaillard du 10 août dernier a ramené pour août et septembre, le déficit de notre balance des comptes des 100 milliards mensuels moyens aux environs de 30 milliards.

 A trente milliards par mois, le lecteur peut calculer lui-même le temps que dureront les 100 milliards consentis au ministère Bourgès et prélevés sur le stock d'or de la Banque de France: un peu plus de trois mois.

 Cela signifie qu'ils seront épuisés vers le 15 novembre.

 On comprend pourquoi la plupart des augures consultés par M. René Coty pendant la crise ministérielle ont parlé de la nécessité de décider 200 milliards d'impôts nouveaux et de réaliser par décret 200 milliards d'économies nouvelles.

 C'est clair: tous les trois mois il manque 400 milliards pour combler les trous que de brillants spécialistes creusent dans le budget national.

 

Les échelles d'indices

 La France sera bientôt merveilleusement équipée pour mesurer la hausse traditionnelle des prix. Nous avons déjà trois échelles d'indices: celle des 250 articles pas tout à fait au point, celle des 213 reléguée au magasin des accessoires parce qu'elle n'était pas assez docile aux injonctions gouvernementales et celle des 179 articles sur laquelle sera calculé le S.M.I.G.

 A titre de renseignement, voici, comparées entre elles, les deux dernières échelles, l'ancienne et la nouvelle:

 

Indice des 179 articles

Alimentation ................................... 418

Boissons et stimulants .........................  88

Habitation ..................................... 187

Habillement, linge ............................. 151

Hygiène, soins .................................  53

Transports .....................................  62

Distractions, divers ...........................  41

.............................................._______

Total ........................................ 1.000

 

Indice des 213 articles (ancien indice)

Alimentation .................................... 580

Chauffage, éclairage ............................  40

Produits manufacturés ........................... 200

Services ........................................ 150

Divers ..........................................  30

............................................... _______

Total .......................................... 1.000

 

 On remarquera que l'alimentation qui absorbe à peu près la totalité des budgets ouvriers, est passée de 58 % dans l'ancienne échelle à 41,8 % dans la nouvelle.

 On croyait ainsi par ce truquage, empêcher l'indice général du coût de la vie de monter chaque mois.

 Malheur! Pour le mois de septembre, l'indice des 179 articles accuse une hausse de 1,9 %, c'est-à-dire frise la nouvelle cote d'alerte qui est de 2 % deux mois consécutifs.

 Le ministère des finances cherche un spécialiste susceptible d'inventer une échelle d'indice insensible à la hausse du coût de la vie.

 Nous proposons une échelle dans laquelle l'alimentation entrerait pour 1 %, les distractions 99 % -- du pain et des jeux! -- tout le reste étant supprimé.

 

Allemagne 1957

 La Banque Fédérale d'Allemagne occidentale a annoncé que les réserves en or et en devises étrangères de l'Allemagne sont passées de 23.778 millions de marks le 14 septembre, à 24.213 millions de marks, le 23 septembre.

 Cette augmentation de 435 millions de marks s'applique uniquement aux réserves en devises étrangères. Les réserves en or sont de 10.033 millions de marks.

 Ce que c'est que de perdre une guerre!

 

Part à deux

 J'ai été accablé de quolibets ou, dans le meilleur des cas, accueilli avec des sourires entendus, lorsque, voici une dizaine d'années, j'ai lancé l'idée que tous les efforts de la diplomatie soviétique tendaient à obtenir des États-Unis, des conversations à deux, en vue d'un partage amiable du monde en deux zones d'influence.

 En 1953, Le Monde reprenait cette idée.

 En 1954, après la conférence de Genève où fut défini « l'esprit » du même nom, il fut officiellement question d'une rencontre Eisenhower-Joukov.

 Puis on n'en parla plus.

 Le 7 octobre, M. Gromyko a rencontré M. Foster Dulles et l'entretien a duré quatre heures.

 Le lendemain, des communiqués contradictoires étaient donnés à la presse par M. Foster Dulles qui acceptait le principe de « conversations libérales » avec la Russie et par le Président Eisenhower disant qu'il n'en pouvait pas être question « sur tous les problèmes concernant le désarmement ».

 On a compris.

 L'entrevue Gromyko -- Foster Dulles n'est qu'un premier pas dans cette voie. Les États-Unis, dit-on, ont accepté de le faire, impressionnés qu'ils étaient par le satellite artificiel, mais ça n'ira pas plus loin. Il y a aussi la dislocation du bloc atlantique au sein duquel l'Angleterre et la France font bande à part et qui fait réfléchir les États-Unis.

 Je prends en tout cas très modestement acte de cette première rencontre.

 Il y en aura d'autres!

 


[1] 51, rue de la Harpe, Paris-5e.

[2] L'auteur des Financiers qui mènent le monde.

[3] on dit que si Blum n'était pas rentré à temps d'Allemagne, c'eût été chose faite et c'est sans doute vrai.

[4] Au Centre Universitaire Méditerrannéen à Nice.

[5] C'est aussi la thèse de Milovan Djilas, ex-ami de Tito et actuellement emprisonné, dans son livre La Nouvelle Classe publié aux États-Unis.

[6] Par parenthèse: M. Gaston Berger prétend ici que le plus fort contingent des hommes de parti est fourni par la foule des gens qui ont subi des échecs dans leur vie familiale ou dans leur profession et veulent prendre une revanche en public.

 

 


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