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DE LA STABILITÉ DES CONVICTIONS

par Paul Rassinier

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Défense de l'Homme, numéro 98, décembre 1956, p. 3-6. 

 

 L'opinion est un facteur de progrès ou de régression, de guerre ou de paix. En dépit de son caractère essentiellement subjectif, elle est le facteur décisif: aucun chef de peuple ne peut jamais rien faire s'il l'a contre lui. Le malheur est seulement qu'elle soit trop aisément façonnable et, par voie de conséquence, très versatile.

 La versatilité de l'opinion est un thème en or. La plus récente explication qui nous en ait été donnée reposait sur cette vérité fondamentale et un tantinet restrictive à savoir que « les Français ont la mémoire courte ». Celui qui nous la donna le fit d'une voix dont le chevrotement sénile fut pris pour de l'émotion et il emporta l'adhésion de tout un peuple. Personne ne s'aperçut qu'il portait quelques étoiles sur la manche et que, faisant métier de nationalisme, il ne pouvait étendre à l'homme en général, ce qu'il disait du seul Français.

 C'est l'homme, en effet, qui a la mémoire courte et particulièrement l'homme social dont l'opinion est faite, non de vérités de principe, mais de vérités d'expériences.

 Or, rien n'est plus fragile que la vérité d'expérience. L'Histoire ne se répétant pour ainsi dire jamais, l'expérience est toujours nouvelle et c'est pourquoi elle n'instruit pas. On a beau dire à l'homme que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets: à événements toujours nouveaux, causes toujours nouvelles auxquelles aucun raisonnement par analogie ne permet de remonter; ce qui, du même coup, interdit la prévision des effets. Essentiellement fondée sur des effets, la vérité d'expérience n'est donc jamais qu'une vérité a posteriori et du moment. C'est pourquoi elle est changeante et souvent contradictoire: à chaque moment historique sa vérité. L'opinion étant faite d'un ensemble de vérités d'expérience est forcément sujette aux mêmes variations et aux mêmes contradictions. Courte ou longue, la mémoire ne serait ici d'aucun secours: c'est de l'imagination qu'il faudrait à l'homme social et force est bien de reconnaître que, gouverné ou gouvernant, manuel ou intellectuel, il en est aussi totalement dépourvu que de mémoire.

 Ce raisonnement n'a pas besoin de beaucoup de références historiques. Il est inutile d'invoquer la France de 1939 à 95 % derrière Daladier pour « en finir » avec Hitler, à 95 % avec Pétain, six mois plus tard «  pour en finir » avec « les mensonges qui nous ont fait tant de mal » et, quatre ans après, non moins à 95 % derrière de Gaulle et Thorez pour « en finir » avec tout, ce que, tout de même, elle n'a pas réussi: nous avons encore, quasi sous les yeux, l'intervention israélo-franco-britannique en Égypte et les événements de Hongrie qui résument tout.

 Dans le premier cas, la vérité d'expérience sur laquelle était brochée l'opinion qui, à peu près générale, encouragea Guy Mollet à se jeter tête baissée dans le guépier égyptien, était il y a deux mois qu'un grand peuple comme la France et à plus forte raison deux nations comme la France et l'Angleterre réunies, avec ou sans Israël mais de préférence avec, viendraient facilement à bout d'un autre peuple aussi petit, aussi arriéré, aussi militairement mal équipé que l'Égypte. Dans cette perspective, Guy Mollet, Eden et Ben Gourion étaient de grands hommes. Aujourd'hui, c'est-à-dire après coup, la vérité d'expérience est que cette action d'éclat nous prive de produits pétroliers, du charbon et de quelques autres matières premières indispensables à l'économie et aux petites commodités de la vie. L'opinion, à peu près générale aussi, qui se broche sur cette nouvelle vérité d'expérience est que MM. Guy Mollet, Eden et Ben Gourion ne sont pas si grands que cela, en attendant mieux! Pour le reste, Guy Mollet, Eden, Ben Gourion ou pas, on n'est pas plus que le vulgum pecus, tenu d'avoir de la mémoire ou de l'imagination.

 Dans le second cas, la vérité d'expérience était qu'en Russie la dictature du prolétariat construisait manifestement le socialisme. Celle-ci avait fini par s'auréoler de la puissance des dogmes et, depuis 1944, s'étendait aux pays dits satellites: Pologne, Hongrie, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Roumanie... Jamais il n'avait été possible de faire la preuve contraire: le dogme auquel des David Rousset, des François Mauriac, des Merleau-Ponty, des Martin-Chaufier et d'autres seigneurs de moindre ou de plus grande importance, apportèrent tour à tour la caution de leur notoriété dans le style de l'époque, c'est-à-dire en contre-plaqué, avait encore celle de Jean-Paul Sartre et de son oie, de Roger Vaillant et de Picasso, de Joliot-Curie et de Maurice Chevalier, de Vercors et du bellâtre de Simone Signoret, du professeur Vallon et du microcéphale Gérard Philippe, etc. quand survinrent les événements de Hongrie.

 Ce qui est curieux, c'est ce qui a suivi: pour cette « élite » -- décidément, les mots n'ont plus de sens! -- la vérité est devenue que la dictature du prolétariat pouvait aussi noyer le prolétariat dans son propre sang. Mais c'est aussi une vérité d'expérience, donc du moment, donc sujette à révision. Nous devons nous estimer heureux que le sang des malheureux Hongrois ait réussi à rendre évident aux yeux de tous ces gens ce que vingt millions de concentrationnaires, la défenestration de Prague, les grèves de 1953 en Allemagne orientale, les événements de Poznan, etc. n'avaient même pas réussi à leur faire soupçonner. Et tout ceci prouve au moins une chose à savoir que, quel que soit leur rang social ou leur culture -- encore un mot dont on s'apercevra un jour qu'il est toujours à définir -- la plupart des gens ne sont sensibles qu'aux vérités d'expériences: les vérités de principe c'était bon du temps de Platon ou de Démocrite, c'est-à-dire quand l'humanité sans expérience ou presque condamnait l'homme à trouver en lui les valeurs de référence. Nous avons aujourd'hui changé tout cela: la descendance de Platon et de Démocrite est fort clairsemée et elle a fui aussi bien la politique que la Sorbonne.

 On peut certes se demander pourquoi la vérité d'expérience l'emporte toujours et avec une telle régularité sur la vérité de principe et si on le fait, il n'y a guère de doute pour moi qu'on arrive à cette constatation affligeante, que les idées des hommes dont l'ensemble ou la moyenne est l'opinion générale, sont commandées par leurs besoins. Le petit commerçant du coin et le fonctionnaire conducteur du dimanche encourageaient Guy Mollet à partir pour l'Égypte parce qu'ils avaient peur de manquer d'essence, l'ouvrier parce qu'il avait peur d'être réduit au chômage par manque de caoutchouc, de coton ou de mazout. Aujourd'hui, ils l'accablent parce qu'ils manquent de tout cela à la fois. De même n'étaient contre la guerre d'Algérie que ceux qui y avaient des « rappelés » et quelques illuminés dont nous sommes qui s'évertuaient à parler au nom de principes inaccessibles, se condamnant par là-même à n'être point entendus; la guerre d'Algérie se terminera un jour, quand le besoin le commandera, comme la guerre d'Indochine s'est terminée le jour où la nation n'a plus eu les moyens de la soutenir.

 Il y a des exemples plus illustres que le petit commerçant du coin, le fonctionnaire ou l'ouvrier. On n'a pas, je l'espère, oublié Claudel magnifiant tour à tour Pétain et de Gaulle pour conserver, sous l'un comme sous l'autre, son rang d'ambassadeur et les petits bénéfices qui s'y rattachaient. Peut-être n'a-t-on pas non plus oublié François Mauriac qui fut l'un des plus beaux fleurons du Front national communiste et de l'Association France-U.R.S.S. uniquement parce qu'il était au mieux avec la propagande Staffel sous l'occupation et pour échapper à l'épuration. Je ne m'attarderai pas à Maurice Chevalier qui se découvrit communiste à la Libération parce que s'il n'avait pas eu cette heureuse inspiration il eût, lui aussi, été épuré pour s'être mis au service pétainiste de l'entretien du moral dans les camps de prisonniers. Ni à Picasso dont les convictions actuelles sont les mêmes assises intellectuelles et morales. Ni à David Rousset qui passa du service des Soviets à celui des Américains à partir du jour où il s'aperçut que la veine qu'il exploitait en littérature était épuisée. Ni à Merleau-Ponty qui, en 1950 et jusqu'au jour où il fut nommé au Collège de France « prônait les mêmes valeurs qu'un communiste. Ni…

 Mais à quoi bon allonger la liste ?

 Il nous reste Sartre qui oscille entre les mouches (1943) la putain respectueuse (1947) les mains sales (1948) Nekrassov (1954), qui a des vérités d'expérience c'est-à-dire une porte de sortie pour toutes les situations et qui en joue d'ailleurs fort brillamment. Les événements de Hongrie ne l'ont pas surpris, cet homme: il va ressortir les mains sales. Si l'espoir change de camp, il changera d'âme et ressortira Nekrassov... Ni les Allemands, ni les résistants, ni les collaborateurs, ni les Américains ni les Russes ne le prendront jamais au dépourvu: pour les uns et pour les autres, selon les circonstances, il est sûr d'être toujours et en toutes occasions une gloire nationale et une valeur à utiliser avec profit.

 Les valeurs politiques sont à l'image de ces valeurs intellectuelles: le petit professeur qui s'ennuie, qui s'est fait politicien de clocher par désoeuvrement ou parce qu'il a d'autres ambitions, qui s'est lancé à la poursuite d'un mandat électoral, qui a attendu que tout le monde se soit mis bien d'accord pour proclamer que la guerre d'Indochine était une monstruosité et qui, pour se prononcer contre celle d'Algérie, attend de savoir s'il ne compromettra pas sa situation politique, est le digne pendant du littérateur alimentaire, conscience de la Nation. A l'heure du « courage civique », nous vivons sous le signe de la lâcheté générale et des petites astuces.

 

OOOOOOOOOOOOOOOO

 

Passez muscade

L'intervention israélo-franco-britannique en Égypte aura eu au moins un résultat heureux dans le domaine de la politique intérieure française: le Parlement est en train de discuter le budget de 1957 et personne ne s'y intéresse.

 Tous les chapitres de ce budget passent à une vitesse record: 150 milliards en plus par ci, 100 milliards en plus par là.

 Les services de la rue de Rivoli ont rendu public que, vraisemblablement, notre grand argentier ne pourrait pas contenir le déficit budgétaire dans les limites prévues, à savoir quatorze ou quinze cents millions.

 Et qu'il faudrait vraisemblablement avoir recours à de nouveaux impôts.

 Personne n'a entendu: on est trop occupé par l'essence!

 On se réveillera à la chute des feuilles.

 

Parallèlement...

 Un jour qu'il était bien disposé -- ceci se situait le 19 novembre, exactement -- M. Ramadier nous a promis qu'une hausse de l'essence n'était envisagée que dans un avenir assez lointain: pour le moment, il n'y avait rien à redouter.

 Cette hausse, disait le ministre, était justifiée:

 -- 1. par l'augmentation du prix du fret;

 -- 2. par l'augmentation de 26 à 34 dollars par tonne sur le pétrole venant du Golfe Persique et obligé de passer par le Cap;

 -- 3. d'une hausse de 1 à 3 dollars par tonne sur le pétrole en provenance d'Amérique.

 En moyenne 15 fr. par litre.

 Qui se répercuteront sur le prix des transports et seront incorporés avec usure, selon la coutume, dans les prix de vente, au stade du gros d'abord, à celui du détail ensuite.

 A nous la hausse des prix!

 

La balance commerciale

 Pour maintenir les prix à l'intérieur, le tripatouillage de l'indice des 213 articles n'ayant pas suffi, le gouvernement a dû procéder à une politique d'importations massives.

 Cela s'est traduit par une balance commerciale chaque mois plus délicate que le précédent.

 A la fin de l'année 1955, nos possibilités en devises étaient chiffrées à environ 1.200 millions de dollars.

 Du premier janvier au 1er décembre, c'est-à-dire en onze mois, ces possibilités sont tombées à 475 millions de dollars, soit une fuite mensuelle de 65 millions. A ce régime, la maison France en a encore pour 6 à 7 mois avant de déposer son bilan.

 Parce que, je le répète, la fuite est chaque mois plus importante que la précédente: en une semaine, du 15 au 22 novembre, les services financiers ont enregistré le chiffre jamais atteint de 45 millions de dollars.

 Maintenant que nous sommes obligés d'acheter en dollars la totalité de nos besoins en produits pétroliers -- et charbonniers! -- que nous payions en francs, il se peut que cette fuite passe brusquement au niveau mensuel de 100 millions de dollars.

 Et nous n'en aurions plus que pour 4 mois avant de déposer le bilan.

 M. Wilfrid Baumgartner, gouverneur de la Banque de France, a jeté le cri d'alarme.

 A la place de Guy Mollet, on se méfierait tout de même un peu.

 

Imprévus

 Au moment de l'embarquement pour Suez, le gouvernement n'avait pas prévu que la route du pétrole serait vraisemblablement coupée pour un long temps.

 Il n'avait pas non plus prévu que la restriction de la consommation d'essence aurait des incidences budgétaires. Sur chaque litre d'essence consommée, le trésor national encaisse une somme qui avoisine 50 fr., soit, pour l'ensemble environ 250 milliards.

 En admettant que nous nous trouvions dans l'obligation de réduire de 30 % en moyenne -- ce qui est un pourcentage des plus optimistes! -- notre consommation globale, cela creuse dans le budget un trou de l'ordre de 80 milliards.

 Et pour les 70 % qui restent, que nous sommes obligés d'acheter aux Américains en dollars et 15 fr. plus cher par litre, un autre trou de l'ordre de 20 à 25 milliards.

 Le ralentissement économique consécutif aux restrictions en produits pétroliers et à la raréfaction d'autres matières premières comme le caoutchouc, le jute, le coton à longues fibres, peut être chiffré à 10 ou 15 % de la production nationale, soit au même pourcentage dans les rentrées des impôts indirects: encore une centaine de milliards.

 En tout 300 milliards.

 A ajouter aux frais, eux aussi imprévus, de l'opération elle-même.

 Vers le mois de juin, le déficit du budget se portera très bien.

 

On ferme

 Les usines Simca ont annoncé la fermeture des ateliers du 15 décembre au 3 janvier.

 Pour commencer.

 Les autres marques d'automobiles annoncent une réduction de 30 % en moyenne sur leur rythme habituel de production.

 On n'a pas encore chiffré le ralentissement dans les autres secteurs de l'économie: les spécialistes les plus optimistes avancent 10 à15 %.

 Et revoici le chômage!

 


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