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Un neutraliste nous parle

par Paul Rassinier

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On connaît notre position devant la guerre: nous sommes contre toutes les guerres dont aucune à nos yeux ne peut être justifiée sur le plan d'une morale qui serait vraiment humaine. Nous ne pensons pas qu'envisagées sous l'angle du nationalisme, il y ait des guerres d'agression à condamner et des guerres de défense à prévoir et à subir avec courage. Aussi imparfaitement délimitées qu'elles soient de nos jours, c'est sur le plan des classes sociales seulement qu'on peut spéculer sur ce problème. Séparées par des frontières artificielles, les classes dirigeantes de tous les pays se battent à fleuret moucheté pour la conquête des marchés et, quand leurs entreprises sortent du cadre de la concurrence traditionnelle, c'est-à-dire rendent caduques les règles archaiques de l'échangisme international, quand, de part et d'autre des frontières leurs intérêts s'opposent irréductiblement, elles tombent d'accord pour faire se battre à fleuret démoucheté les classes qu'elles oppriment. "On croit que les grands du monde se battent: erreur, ils s'entr'aident", disait déjà Victor Hugo et j'aime à le répéter. Singulière coincidence: dans ces cas, la guerre intervient presque toujours comme à point pour résoudre un problème de gouvernement, 1914 et 1939 en sont des exemples probants.

Cette position est de principe.

Elle n'a rien de commun avec celle des neutralistes, du moins telle qu'elle est actuellement développée par leurs leaders du moment. Quand je parle des neutralistes, tout le monde comprend qu'il s'agit de MM. Claude Bourdet, Beuve-Méry, etc. (dont la position est essentiellement de circonstance.)

MM. Beuve-Méry et Claude Bourdet sont d'origines sociales différentes et viennent, par conséquent, de deux points différents de l'horizon politique. La convergence de leurs idées n'en est que plus remarquable.

Ils ne sont pas contre la guerre par principe: ils sont contre celle qui vient, mais en 1939 ils n'étaient pas Munichois, ni pacifistes et il leur arrive encore de s'en flatter. Et, s'ils sont contre la guerre qui vient, c'est uniquement parce qu'ils ne voient pas l'Europe occidentale et plus particulièrement la France y jouer d'autre rôle que celui d'une nouvelle Corée: beaucoup de désastres dont nous ferions la plus grosse part des frais sans aucun espoir de compensation, le conflit terminé. D'où, chez l'un et chez l'autre, cette prise de position qu'ils croient être de sagesse: la neutralité. Nous avons tout à perdre et rien à gagner, n'y allons pas ce qui est, à leurs yeux, un moyen à peu près infaillible de déterminer les deux antagonistes à chercher un autre terrain pour l'accomplissement de leurs exploits, si, comme tout permet de le supposer, ils en viennent aux mains.

A y regarder de plus près, on trouverait, certes, entre eux des divergences assez substantielles, notamment dans leurs conceptions respectives des solutions à apporter au problème social. Cherchant à l'humaniser, chacun à sa manière, il ne fait pas de doute que M. Claude Bourdet irait plus loin, envisagerait des mesures plus radicales que M. Beuve-Méry. Mais, comme ni l'un ni l'autre ne pense à une refonte complète du régime et n'établit de rapports très rigoureux entre le problème social et la guerre, ceci n'est pas très important.

On sait par ailleurs que tous deux sont accusés de crypto-communisme. Pour ma part, je ne sais pas dans quelle mesure cette accusation est fondée. Il m'est personnellement arrivé d'être accusé de crypto-communisme par les gens bien pensants qui, comme nul n'en ignore, sont tous dans le clan américain, tandis que les communistes m'accusaient d'américanophilie. De plus en plus les esprits libres sont appelés à recevoir des coups des deux côtés. Il peut toutefois être considéré comme symptomatique que MM. Beuve-Méry et Claude Bourget n'en reçoivent que d'un côté. Et, quand je les vois l'un et l'autre écrire que Staline ne désire pas la guerre, il me faut bien convenir que, si ce n'est pas une vue enfantine c'est, à coup sûr, une déclaration de vassalité sous la forme d'un préjugé favorable.

Pour la plupart des gens avertis de ces questions, la guerre ou la paix ne relèvent pas du désir d'un chef d'Etat. Il est par trop simpliste de dire que Staline et Truman veulent ou ne veulent pas la guerre. La forme supérieure de la diplomatie moderne tient dans cette règle générale que l'adversaire s'inclinera devant la force. Ca n'a jamais réussi: il est toujours arrivé un moment où l'adversaire ne s'est pas incliné parce qu'il ne pouvait le faire qu'en acceptant de mourir. Or, les chefs d'Etats ne se suicident qu'à la dernière extrémité, exemple, Hitler. Malgré quoi, la règle ne change pas: dans les sphères diplomatiques, on n'en est pas encore à penser que les différents internationaux puissent se résoudre à l'écart des rapports de forces. Ce serait la mort des classes sociales distinguées. Or, les classes sociales distinguées ne se suicident pas plus que les chefs d'Etats. Il se peut que MM. Beuve-Méry et Claude Bourdet parlent de ces questions sans en être exactement avertis, mais

Ceci dit, il n'est cependant pas mauvais que M. Beuve-Méry ait publié dans Le Monde le rapport attribué à tort ou à raison à l'amiral Fechteler et que M. Claude Bourget lui ait fait écho dans L'Observateur. Il n'est pas mauvais que, dans Le Monde du 11 juin, M. Beuve-Méry soit revenu à la charge avec son article intitulé "Vers la troisième?" Et il n'est pas mauvais qu'il conserve la possibilité de le faire encore quand la fantaisie le prendra. Pour incohérente qu'elle soit, et forcément tendancieuse - il ne serait en effet pas difficile de monter une doctrine neutraliste en avançant avec aussi peu de raisons que c'est l'Amérique et non la Russie qui ne veut pas la guerre - la position de MM. Beuve-Méry et Claude Bourdet, recoupe le pacifisme de principe qui est le nôtre en bien des points, particulièrement dans l'analyse objective des situations à laquelle elle ne peut totalement échapper. Et si les recoupements qui sont toujours publics n'ont qu'une valeur relative quand ils se font dans L'Observateur à tirage restreint, ils en ont une très grande et indiscutable quand ils se font dans Le Monde, journal à grand tirage.

Quand M. Beuve-Méry écrit:

"La guerre peut être prévue avec une quasi certitude, à partir du moment où la course aux armements atteint un certain rythme, où ses incidences deviennent si insupportables qu'on s'accoutume de part et d'autre à l'idée d'en finir."

Nous nous demanderons, certes, ce qu'il entend par incidences insupportables et nous ne sommes pas sûrs qu'il voit la course aux armements partir des mêmes causes que nous, mais nous sommes d'accord sur le processus et son aboutissement.

Et nous avons, sinon les mêmes craintes, du moins des craintes de même nature, s'il poursuit:

"Champion des libertés démocratiques, les Etats-Unis doivent enrôler sous leur bannière en Asie Syngman Rhee, Tchiang Kai-Chek et Bao Dai. En Europe, ce sont les nazis, les fascistes, les phalangistes, les miliciens, qui se flattent au nom d'un antibolchevisme éprouvé d'être demain les plus sûrs soutiens de l'Occident. Si bien que l'Européen moyen, celui qui devrait reconstruire un monde habitable pour lui sur les ruines sanglantes des fascismes, ne cache pas son désarroi. Il sent, il comprend que les moyens mis en jeu menacent au moins autant qu'ils l'assurent la fin qu'on se propose, qu'une profonde réconciliation franco-allemande est rendue plus difficile, que l'Europe se défait plus qu'elle ne se fait. Si les combattants de la liberté et de la justice ne peuvent plus croire ni à la liberté ni à la justice, ne serait-ce pas que l'institution démocratique est d'ores et déjà condamnée?"

Ce que nous n'acceptons pas, c'est le dilemme qui ressort de ces deux propositions juxtaposées que nous trouvons sous sa plume dans le même article:

1. "Si l'agression menace réellement, si le front européen est vraiment un secteur du front commun qui vaut bien celui de Corée et qui doit être défendu à tout prix, ce sont trente ou quarante divisions que les Américains devraient envoyer en Europe."

2 . "Une Europe qui aurait ou voudrait se donner le moral des Finlandais ou des Norvégiens, le civisme des Anglais, l'armement des Suédois ou des Suisses, n'aurait vraisemblablement rien à redouter pendant longtemps de la part des Russes. A plus forte raison s'il était bien entendu qu'une agression de leur part déclencherait la garantie américaine et la guerre mondiale."

Dans le premier cas, c'est la Fédération atlantique avec toutes ses conséquences, c'est-à-dire la guerre; dans le second, il ne s'agit pas d'un problème moral, mais d'un problème de structures et les termes mêmes dans lesquels M. Beuve-Méry le propose impliquent la guerre encore, en fin de compte.

Le cercle est vicieux.

Il l'est au point que, pour en sortir, M. Beuve-Méry ne voit d'autre moyen que de revenir à l'Allemagne et de proposer pour elle un statut analogue à celui de l'Autriche. Si on ne veut pas en arriver là, conclut-il, mieux valait faire un Munich complet en 1939, car:

" Mieux valait ménager l'Allemagne bien qu'elle fût hitlérienne et quel que fût le prix demandé, puisqu'elle devait tôt ou tard entrer en lutte avec Moscou. Lui résister, l'affaiblir, c'est fortifier le bolchevisme. "

Les neutralistes peuvent peut-être s'accommoder d'un choix entre deux genres d'asservissement, encore que ce soit difficilement concevable. Tout en appréciant l'effort d'analyse objective du plus écouté des tenants du neutralisme, les pacifistes, eux, ne peuvent se satisfaire d'une politique de paix qui prétend sauver les structures traditionnelles et réussir en se bardant d'horizons bouchés et de regrets à la fois stériles et sans grandeur.

 

 


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